LE PARJURE DE MAMADI DOUMBOUYA A LA TRIBUNE DES NATIONS UNIES
Pour moult observateurs guinéens et étrangers, la prise de parole du Colonel Mamadi Doumbouya à la tribune des Nations Unies a été un véritable fiasco tant sur le fond que sur la forme.
Le président putschiste a manqué une belle occasion de définir les contours d’une transition consensuelle, d’apaiser le climat politique et de plaider pour un meilleur accompagnement de la communauté internationale au processus d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Dans un discours usé et caricatural à souhait, le putschiste a publiquement affiché son mépris des principes démocratiques et républicains ainsi que sa volonté suicidaire de confisquer le pouvoir et les libertés individuelles et collectives en Guinée.
Il s’est lancé dans un sévère réquisitoire contre la démocratie qu’il a considéré comme inadapté à nos réalités trahissant ainsi le serment qu’il a prêté devant le peuple de Guinée de consolider les acquis démocratiques.
Le colonel qui prône la refondation s’en est également pris en même temps à la communauté internationale et aux leaders politiques qui l’empêchent de dormir sur les lauriers d’une transition en perdition.
Le Chef de la junte, visiblement très mal conseillé, s’est perdu dans les méandres de son discours populiste, démagogique et souverainiste psalmodiant tel un automate certains passages et butant plusieurs fois sur des mots, signe du caractère laborieux pour lui de l’exercice.
Comme il fallait s’y attendre, il n’y avait pas grand monde qui se bousculait au portillon pour l’écouter et la salle, parfaitement clairsemée, ne comptait qu’une infime poignée d’affidés venus l’accompagner dans son délire mégalomaniaque.
Les prétendus motifs du coup d’Etat qu’il a perpétré avec sa bande le 5 septembre 2021 ont rythmé son discours. La décence voudrait qu’il reconnaisse au moins sa participation active dans le troisième mandat illégal du régime défunt, obtenu dans la violence et la terreur avec l’aide du bataillon des forces spéciales dont il était à la fois la tête et la queue.
Dans la lutte pour le triomphe de la démocratie et pour l’alternance au pouvoir, plus de 400 jeunes guinéens ont été froidement abattus, des centaines d’autres ont été emprisonnés et de nombreux autres blessés par balles.
Le colonel putschiste est aussi comptable de cette barbarie qui, comme celle qu’il opère actuellement à son propre compte, peut le rattraper à tout moment.
Mon colonel, comme tu le prétends, la démocratie n’a jamais été un problème pour l’Afrique. Certains pays s’en sortent mieux notamment le Ghana, le Cap-Vert, le Botswana, pour ne citer que ces exemples.
Le problème n’est pas la démocratie en tant que telle mais l’absence d’application des règles de la démocratie et son dévoiement par des assoiffés de pouvoir et des prédateurs économiques .
Le réel problème, c’est la manipulation et la division ethnique sur fond de corruption, de répression et d’assassinats politiques qui ont droit de cité sous le régime dictatorial du CNRD où toute voix dissonante est bâillonnée et réduite au silence.
Devons-nous rappeler au colonel Doumbouya qu’il n’est plus audible en parlant de détournement, de gabegie, d’enrichissement illicite et j’en passe. Sa gouvernance est éclaboussée quotidiennement par ces pratiques honteuses qui justifiaient un moment ce coup d’État qui s’est révélé être une véritable révolution de palais.
Et depuis, l’enrichissement illicite s’est davantage institutionnalisé, des villas et des immeubles sortent de partout à Conakry et à l’intérieur du pays. Hier de simples débrouillards, nombreux sont ceux qui sont devenus ostensiblement riches en quelques mois seulement grâce à l’argent public détourné.
Devons-nous rappeler au colonel putschiste que les grands leaders politiques ne sont pas des obstacles pour celui qui veut respecter ses propres engagements ? Organisez les élections et partez ! Votre seul salut réside dans le retour à l’ordre constitutionnel. Le gangstérisme politique ne marchera plus en Guinée.
Devons-nous enfin rappeler au colonel que la communauté internationale n’est pas un obstacle mais un partenaire traditionnel dans l’édification d’une Guinée plus démocratique et plus juste !
La communauté internationale est consciente des pièges contenus dans l’agenda de la transition ficelé entre les quatre murs du palais, techniquement intenable et caractérisé par moult manœuvres dilatoires.
Personne ne peut mobiliser 600 millions de dollars pour un retour à l’ordre constitutionnel alors que même avec 200 millions et un peu de volonté politique, le processus peut être mené à son terme.
Aujourd’hui, le Tchad demande 260 millions de dollars pour les mêmes objectifs !
Revenez vite aux fondamentaux d’une transition à savoir, l’organisation d’un dialogue inclusif pour permettre d’aller tranquillement aux élections, gage de paix et de stabilité pour notre pays. Tout autre chemin qui conduirait à l’exclusion de partis politiques comptabilisant 95% de l’électorat serait hautement périlleux pour la Guinée que vous faites dangereusement danser autour d’un volcan en éruption.
Souleymane Souza KONATE Président de la Commission Communication de l’ANAD et Conseiller chargé de Communication de CELLOU DALEIN DIALLO.