COUP DE SANG DE TSHISEKEDI AU 19E CONCLAVE DE LA FRANCOPHONIE : Quand la guerre en RDC assombrit le sommet
Les rideaux sont tombés, le 5 octobre dernier, sur le 19e conclave de la communauté francophone qui a eu lieu en France et en présence de près d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernements.
En marge de cette édition qui vise à “bâtir un espace plus sûr et plus divers et à lutter contre tous ces discours de haine”, il y a eu, comme à l’accoutumée, des rencontres bilatérales pour évoquer les défis posés à la paix et à la stabilité dans l’espace francophone, et des tractations en coulisse pour rétablir la cohésion entre les membres de cette organisation qui est plus que jamais à la croisée des chemins. Ainsi, la Secrétaire générale, Louise Mushikiwabo, a plaidé dès l’ouverture du sommet, pour le retour négocié dans la famille francophone, du Mali, du Burkina Faso et du Niger, tous suspendus depuis qu’ils sont dirigés par des militaires, faute de quoi le désamour de la langue de Molière risque d’aller crescendo dans ce continent africain pourtant considéré comme « le cœur battant de la francophonie ».
L’éternelle guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo, qui demeure le pays qui compte le plus de francophones au monde après la France, a été elle aussi évoquée au cours du huis clos des chefs d’Etat, et a quelque peu assombri ce sommet avec le coup de sang du président Félix Tshisekedi qui a décidé de snober toutes les rencontres de la deuxième et dernière journée, visiblement excédé par le fait qu’Emmanuel Macron n’ait pas pipé mot sur la crise congolaise dans son discours.
On espère trouver l’épilogue de cette crise congolaise avant la tenue du prochain sommet de la francophonie
Le président hôte du sommet avait pourtant dit urbi et orbi avant cette 19e édition, qu’il ferait tout pour rapprocher les deux voisins et ennemis jurés que sont le Rwandais Paul Kagamé et le Congolais Félix Tshisekedi, et bon nombre d’observateurs se demandent toujours pourquoi il a éludé le sujet dans son intervention. Est-ce en raison du caractère diplomatiquement explosif de la crise et de sa prudence extrême pour ne pas rajouter du sel sur la plaie ? Ou serait-ce en raison de sa relation avec Kagamé décrite comme un mélange d’admiration mutuelle et de pragmatisme politico-diplomatique ?
Quoi qu’il en soit, les autorités congolaises n’ont pas apprécié ce silence équivoque de Macron sur « l’invasion » de l’Est de la RDC par le M23 soutenu, selon l’ONU, par le Rwanda, et n’ont pas tardé à sortir la sulfateuse en demandant à Félix Tshisekedi de boycotter le reste du sommet. Et bien qu’Emmanuel Macron ait arrondi les angles après la réaction du président congolais, la délégation venue de Kinshasa a continué à se demander à quoi bon, d’autant que le mal est déjà fait, ou que le dolo est déjà versé comme dirait un Bwaba déçu et désabusé.
En tout état de cause, le rétropédalage d’Emmanuel Macron est considéré par les dirigeants congolais comme la corde qui soutient le pendu qu’on coupe quand c’est fini, et n’a donc pas permis d’asseoir autour de la même table les deux voisins qui s’accusent mutuellement dans la tragédie qui frappe l’Est de la RDC depuis des décennies. En dénonçant la présence rwandaise dans cette région dévastée du Congo tout en pointant du doigt les rebelles hutus anti-Kagamé qui pullulent dans la zone, le président français a non seulement évité un second clash avec son homologue congolais après leur conférence de presse mouvementée de mars 2023, mais aussi d’effaroucher son « ami » rwandais qui justifie son implication dans la crise par le soutien de la RDC à ses ennemis jurés.
L’occasion était pourtant trop belle pour Emmanuel Macron pour jouer les go-between entre les deux chefs d’Etat, afin de donner plus de chance de succès à la médiation angolaise en cours, qui patine depuis des mois en raison de la méfiance réciproque entre les ‘’protagonistes’’. Cette fois-ci c’est raté, mais on espère trouver l’épilogue de cette crise congolaise tombée presque dans l’oubli, avant la tenue du prochain sommet de la francophonie au Cambodge, en 2026.
Hamadou GADIAGA