A Kinshasa, la stigmatisation d’habitants venus de l’est

En République démocratique du Congo, les gains territoriaux des rebelles du M23, dans l’est du pays, attisent les tensions entre les communautés. Certains groupes sont en effet stigmatisés, accusés d’être responsables des violences qui secouent le pays. C’est le cas notamment des personnes qui parlent le swahili à Kinshasa.
Dans la capitale congolaise, des membres de certaines communautés du Nord-Kivu sont accusés d’être des Rwandais, ou de soutenir ce pays. Ils sont parfois victimes d’intimidations, de discriminations et d’insultes de la part d’autres Congolais.
Rose Mutshanga, membre de l’intercommunautaire du Nord-Kivu à Kinshasa, explique « des gens ont rapporté qu’ils ont subi des menaces parce qu’ils parlent swahili. On les a indexés en leur disant que vous êtes de ceci, ou de cela. On n’a pas quelqu’un qui a été blessé, mais certains ont subi des menaces verbales ».
Ailleurs, le cas des Kasaïens stigmatisés
A Lubumbashi cette fois, la capitale du Haut-Katanga, ce sont les personnes originaires de la province du Kasaï qui sont visées. De nombreux Kasaïens témoignent ainsi des discriminations qu’ils subissent au quotidien.
Kalonji Danny est licencié en génie civil, de l’université de Lubumbashi, mais ses origines kasaïennes ne lui ont pas permis de décrocher un emploi, malgré ses multiples tentatives.
« Je suis ingénieur civil électromécanicien, mais en raison de mes origines, lorsque nous déposons nos dossiers pour solliciter un emploi, nous sommes à un certain moment rejetés à cause de nos origines tribales », explique-t-il.
Réactions spontanées alimentées par des tensions
Au Haut-Katanga, ce panachage tribal remonte au début du 20e siècle, lorsque les populations d’origine kasaïenne, attirées par les emplois dans le secteur minier, ont commencé à émigrer vers le sud du pays. Au fil des décennies, cette présence a suscité des réactions de rejet de la part des populations autochtones.
En 1992, des émeutes qui ont ciblé la population kasaïenne de l’ancienne province du Katanga avaient entrainé la fuite de 700.000 d’entre eux.

Mais qu’il s’agisse de Kinshasa ou de Lubumbashi, l’activiste des droits de l’homme, Rostin Manketa, coordonnateur de La voix de sans voix, explique que ces actes de discrimination, bien réels, ne sont pourtant pas le fruit d’une planification délibérée.
Ils résulteraient davantage de réactions spontanées, alimentées par des tensions et des peurs locales. Selon lui, « ce qu’on a entendu ou ce que les gens racontent concernant les Kasaïens et les Katangais, ce que les gens ont vu ou racontent ici à Kinshasa, où certaines personnes sont accusées d’avoir la morphologie rwandaise, je dois souligner que cela relève tout simplement des faits isolés et non planifiés ».
Aucune statistique pour mesurer l’ampleur du phénomène
En l’absence de statistiques fiables sur les agressions à caractère xénophobe, il est difficile de confirmer cette thèse. Si, à Kinshasa, la peur semble bien présente au sein de la communauté parlant le swahili, les faits semblent malgré tout indiquer qu’il n’y a pas de volonté planifiée de nuire.
Mais la situation est différente au Haut-Katanga, où la communauté kasaïenne subit des discriminations à une plus grande échelle.
Rostin Manketa suggère ainsi un renforcement des échanges intercommunautaires. Selon lui, seul un dialogue ouvert et une éducation collective permettront d’éviter que de telles discriminations se propagent.
Source: https://www.dw.com/fr/kinshasa-conlit-rdc-stigmatisation/a-71600754