Contre La sansure

Acquisition d’un avion, dialogue politique, limitation d’âge, Cedeao: Dr Zoutomou donne son analyse…

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En dépit de son boycott par l’inter-coalition, le cadre du dialogue politique inclusif s’est tenu et le rapport final remis au président de la transition. Parmi les recommandations, la limitation d’âge pour être candidat à l’élection présidentielle.   Afriquotidien.com a recueilli l’analyse du leader de l’Union démocratique pour le renouveau et le progrès (UDRP). Dr Edouard Zoutomou Kpogomou estime qu’il n’y a pas eu dialogue et qu’ « à la longue le Cnrd n’aura pas le choix » que de se plier aux injonctions de la Cedeao. Ce membre de la coalition ANAD évoque aussi l’acquisition d’un avion par la Guinée, il soupçonne le bradage des mines guinéennes. Interview !

Afriquotidien.com : Quelle lecture faites-vous des conclusions du cadre du dialogue politique ?

Edouard Zoutomou Kpogomou : Comme on l’a dit dès le départ, un dialogue se fait entre des belligérants pour trouver une solution à un problème. Ce qui s’est passé là ce n’est un dialogue, mais une version élaborée de la concertation. C’est un effort pour le CNRD de pouvoir faire semblant de faire quelque chose. Quand vous faites un dialogue, on n’a pas besoin de remonter les conclusions à quelqu’un pour prendre une décision. Entre recommandations et décisions, il y a un océan. Vous pouvez recommander quelque chose qui peut ou ne pas être accepté. Qu’on le veuille ou non, nous sommes dans une crise, donc il y a des parties belligérantes. Nous, nous avons dit que nous voulons un dialogue inclusif.  Dieu merci, la Cedeao nous a compris comme ça depuis le départ. Le dialogue passé ne nous concernait pas.

Si la Cedeao vous a compris comme vous le prétendez comment se fait-il que le médiateur Boni Yayi ait pris part au lancement des activités du dialogue?

C’est exact. Mais vous savez qu’il y a des formules de politesse. Le médiateur de la Cedeao ne pouvait pas ne pas être là. Ce qui est important, il n’a pas entériné les décisions qui sont sorties parce qu’il n’a pas pris part à la cérémonie de présentation du rapport final. Quand on a créé cette histoire des facilitatrices, on a fait croire au médiateur que tout le monde serait là. Après quand il est venu au lancement, il posé une question en terme de blague en disant qu’il ne voit pas tous ceux qui devraient être autour de la table. Cela veut dire beaucoup de choses.

Parmi les recommandations du rapport final il y a la limitation de l’âge minimum 35 ans et au maximum 75 ans pour être candidat à l’élection présidentielle. Qu’en pensez-vous ?

Si le CNRD veut qu’on résolve les problèmes en Guinée et que l’on aboutisse à un Etat gérable, il vaut mieux laisser cette question d’âge. Ce n’est pas l’âge qui détermine la performance ou la pertinence des idées que l’on avance. Quand on responsable politique c’est la pertinence des idées qui fera en sorte que le peuple vous soutienne. Exemple frappant, Macron en France n’a jamais demandé d’éliminer les vieux. C’est la pertinence de son projet de société qui a fait qu’il a été élu. Biden aux Etats unis n’a pas d’éliminer les jeunes. Il y a des jeunes plus corrompus que les vieux. Ils viennent avec un déficit d’expérience et l’idée de vite se rattraper. On peut parler d’un âge minimum parce que même dans nos sociétés il y a un âge minimum pour que la société te confie certaines responsabilités.

Soupçonnez-vous des velléités du CNRD d’exclure votre génération ?

Justement c’est ce que nous voyons. Il y avait eu des rumeurs au départ qu’on allait éliminer les leaders qui ont un certain âge. Il y avait eu un sondage, pas un sondage scientifique, qui a fait comprendre qu’il fallait laisser  ce sujet et qu’il fallait le faire dans un autre cadre. C’est resté comme une patate chaude. On veut profiter du fait qu’on devait faire un dialogue inclusif pour essayer de parler de cette question. Au départ, c’était d’enlever les vieux politiciens. Ils ont commencé d’abord par dire qu’il faut que les partis politiques soient en règle oubliant que c’est l’administration elle-même qui a délivré les agréments aux formations politiques. C’est comme un père de famille qui se réveille un beau matin et trouve qu’il y a beaucoup d’enfants dans sa concession et demande à chacun d’eux de lui apporter son extrait de naissance. Alors que c’est lui-même qui était allé à l’état civil demander l’acte de naissance de chacun d’entre eux si maintenant vous venez leur demander de vous les apporter c’est superflus. Ils ont essayé, mais ça n’a pas manqué.  Puisqu’ils veulent éliminer certains, ils ont commencé à fouiller dans le passé des uns et des autres pour voir sur quoi s’agripper. C’est ce qu’on est en train de faire avec la CRIEF. Au départ, nous avions dit que c’était une très bonne chose. Quand vous gérez vous êtes justiciables. Mais quand on fait de la sélectivité autour des dossiers que l’on traite, en ce moment on est en train de faire du ciblage. Ce n’est pas normal. Il y a tellement des sujets brulants sur les 11 dernières années  au lieu d’aller loin. C’est dans ce cadre qu’on est en train de parler de Air Guinée et autres.

Le paradoxe est que des acteurs politiques de votre génération en l’occurrence, Bah Oury, Lansana Kouyaté et autres ont pris part au dialogue. Donc comment expliquez qu’ils aient accepté la limitation d’âge ?

Tous ces partis politiques ne représentent pas plus de 5% de la population électorale.

 Selon eux, le compteur est remis à zéro à partir du coup d’Etat du 5 septembre.

C’est eux qui le disent. C’est une question de performance. C’est comme une équipe qui va en coupe du monde si l’organisation n’est pas solide, elle ne va pas obtenir des résultats performants. On ne peut pas remettre le compteur à zéro parce qu’on ne peut pas se lever pour dire demain je vais avoir des militants. Il y a certains partis qui ont été au dialogue simplement pour des raisons pécuniaires. C’est la course aux perdiems qui a conduit la plus part de nos frères. Il y en a même qui ont discuté pour qu’on revoit à la hausse les perdiems qu’on leur donnait.

Avez-vous peur de l’application des recommandations du dialogue ?

Nous sommes très sereins dans de que nous faisons. Quand ça ne va pas dans une famille, on fait appel aux oncles, aux grands parents pour trouver la solution. C’est dans cette logique qu’on a fait appel à la Cedeao pour arbitrer entre le CNRD et les parties politiques qu’on a tenté d’exclure. Au départ, le CNRD  a proposé 39 mois comme durée de la transition. La Cedeao a dit que ce n’est pas acceptable. C’est ce que nous avions dit dès le départ.

Une délégation de la troïka a rencontré le président en exercice de la Cedeao. Espérez-vous la reprise du dialogue?

Je crois que cette question ne se pose même pas. Ce n’est pas la troïka qui a décidé d’aller rencontre le président bissau-guinéen, au contraire, c’est une initiative du président Embalo. En tant que président en exercice de la Cedeao, il s’est rendu compte que tous les acteurs n’étaient pas autour de la table. Quand vous voulez éteindre le feu, il ne faut pas l’éteindre et laisser des sources d’incandescence. Parce qu’il y a des coalitions sociopolitiques qui n’ont pas participé au dialogue et qui sont capables d’appeler à des manifestations.

C’est dans ce cadre que le président Embalo a entrepris de consulter, non seulement, ceux qui ne sont pas allés, mais aussi ceux qui sont partis au cadre du dialogue dans l’optique de trouver un compris. On a toujours bombé la poitrine pour dire qu’on est souverain. D’accord, mais on est souverain dans des organisations régionales, sous-régionales et internationales. Nous pensons qu’à la longue le CNRD n’aura pas le choix. Le CNRD, lui-même malgré les intentions cachées, s’ils veulent s’accrocher au pouvoir, ils voudront gérer le payer, mais ça n’est pas possible dans un chaos. Ils prendront donc toutes les dispositions pour qu’il y ait l’accalmie.

Colonel Mamadi Doumbouya a présenté un avion estampillé ‘‘République de Guinée’’. Le gouvernement soutient que c’est un potentiel investisseur dans les mines qui a mis à disposition cet appareil à l’Etat guinéen. Qu’en pensez-vous ?

Le ministre du Budget a devant les conseillers nationaux que ce n’est ni un achat, ni un prêt encore moins un don. C’est quoi alors ? Moi, je suis confus. Dans quel cadre cet avion a été obtenu ? On parle d’un avion présidentiel. Est-ce que le CNT a été informé ? Est-ce que le gouvernement en a discuté en Conseil des ministres ? Il faut quand même une dose de transparence qu’il faut laisser apparaitre. Un avion ce n’est quand même pas une bicyclette qu’on peut aller prendre dans un magasin. Je pense franchement que c’est une insulte au peuple de Guinée. Si on doit payer un avion, il faut que le CNT se prononce. Il ne faut pas qu’on brade les ressources minières sous le couvert de rendre service parce qu’on veut une flotte au pays. Si c’est dans le cadre des ressources contre investissements, on peut comprendre parce que là ce sont des pourparlers et ce sont des contrats que l’on signe après avoir discuté et exposé à tous les niveaux, y compris au parlement. Malheureusement, celui-là ce n’est pas le cas. Je veux bien qu’on compare cet avion présidentiel qu’on nous a présenté à ceux de nos voisins. Si un minier qui souhaite investir commence par mettre à disposition un avion c’est une source de corruption.

Interview réalisée par Abdoul Malick Diallo

pour Afriquotidien.com

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