Contre La sansure

Aïssata Tall Sall (ministre): les États-Unis s’inscrivent dans les intérêts prioritaires de l’Afrique, «il faut s’en féliciter»

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Le sommet Etats-Unis / Afrique s’est terminé hier jeudi à Washington, après avoir réuni pendant trois jours cinquante délégations africaines, pour évoquer des thèmes comme la sécurité notamment au Sahel, le changement climatique, le développement, etc. Une rencontre préparée par les Etats-Unis en collaboration avec l’Union africaine, dont la présidence est actuellement assurée par le Sénégal. Quel bilan tirer de cet événement ? La ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall, est notre invitée ce matin.

RFI : Madame la ministre, vous avez participé au sommet États-Unis/Afrique. Est-ce que le bilan est positif ?

Aïssata Tall Sall : Le président Joe Biden a fait de très fortes déclarations à l’endroit de l’Afrique. Il est tout à fait heureux que les États-Unis n’aient pas réinventé la roue. Ils ont pris comme socle de notre partenariat l’agenda 2063 de l’Union africaine autour de l’Afrique que nous voulons. Cela fait que les États-Unis se placent dans les priorités et dans le chemin qui porte les intérêts prioritaires de l’Afrique. Il faut s’en féliciter. Maintenant, en termes de mesures, il a annoncé 55 milliards de dollars, c’est quand même un grand pactole.

Ceci dit, 55 milliards, si on divise par le nombre de pays qui sont représentés, cela fait 1 milliard par pays, même si ce n’est pas réparti comme cela évidemment. Ce n’est pas si énorme…

Ces 55 milliards, ce n’est pas quelque chose qu’on va se partager. Mais c’est un levier qui nous permettra d’obtenir des financements beaucoup plus conséquents. Et je pense qu’effectivement, l’Afrique est un bon partenaire et les États-Unis sont également un bon partenaire pour l’Afrique.

Mais le président Macky Sall a aussi soulevé deux points qui lui plaisent moins : des sanctions contre le Zimbabwe et également une loi qu’il a reprochée aux États-Unis.

Pour le président Macky Sall, il est de son devoir de dire les choses sur lesquelles nous nous entendons, mais également les choses sur lesquelles nous ne nous entendons pas. Le Zimbabwe subit des sanctions de la part des États-Unis depuis très longtemps. Et l’Union africaine a pris des résolutions pour appeler à la levée de ces sanctions. D’ailleurs, je peux vous dire que, dans une discussion en off avec une autorité américaine, il m’a été annoncé que les États-Unis sont en train de faire la revue de ces sanctions, d’enlever peut-être celles qui nous paraissent les plus handicapantes et peut-être de maintenir quelques sanctions symboliques. L’essentiel, comme je l’ai dit, c’est que nous discutions entre nous et que nous avancions.

Sur ce projet de loi…

Sur ce projet de loi qui tend à sanctionner les pays africains qui commerceraient avec la Russie. Les pays africains n’entendaient pas être sanctionnés pour s’être choisis un partenaire. L’Afrique discute avec tous ceux qui veulent discuter avec elle et qui respectent également ses positions souveraines. Nous savons que c’est peut-être un point de crispation. Mais la diplomatie sert à dépasser les situations difficiles. Donc, nous continuerons à faire que cette loi ne s’applique pas en Afrique. Et je pense que les États-Unis finiront par comprendre notre position sur cette question difficile.

Mais n’était-ce pas l’un des enjeux de ce sommet pour les États-Unis, d’obtenir plus de soutien des pays africains au moment où une partie des pays africains s’abstiennent de voter aux Nations unies les résolutions qui condamnent la Russie ?

On ne va pas se cacher derrière notre petit doigt, c’est ça aussi les relations internationales. Chacun défend ses intérêts et les préserve. Que les États-Unis aujourd’hui soient très enthousiastes à rencontrer l’Afrique, que l’Afrique soit également enthousiaste à rencontrer les États-Unis, peut-être qu’il y a effectivement une convergence quelque part.

Le président ghanéen Nana Akufo-Addo, au cours de ce sommet, a évoqué la présence de Wagner au Burkina Faso. Est-ce que vous êtes en mesure de confirmer cette information ?

Non. Malheureusement, je ne le peux pas. Le président Nana Akufo-Addo a peut-être fait cette déclaration. Je n‘ai pas de commentaires particuliers par rapport à cela. La seule chose que je peux dire, c’est que la situation sécuritaire au Sahel est très préoccupante pour nous tous et que nous avons un regard absolument vigilant sur ce qui peut se passer ça ou là.

Est-ce qu’au niveau de la sécurité, qui est un des thèmes prioritaires pour l’Afrique, il y a eu des avancées sur certains dossiers ?

Oui. Absolument. La première chose d’abord, c’est quand le président Joe Biden fait l’annonce de ces 55 milliards de dollars dont une partie sera consacrée à la cybersécurité. L’autre chose, c’est cette enveloppe de 30 millions de dollars. Là, immédiatement, pour la sécurité des pays africains. Nous devons imaginer des stratégies par rapport à l’insécurité en plus de tout ce qui a déjà été mis en place. C’est tout cela maintenant qui est de la responsabilité de l’Union africaine.

Sur la succession du Sénégal à l’Union africaine, le président des Comores a dit sur l’antenne de RFI qu’il y aurait des discussions en marge de ce sommet, puisqu’il y a deux candidats déclarés pour l’instant : le président des Comores Azali Assoumani et le président du Kenya William Ruto. Est-ce qu’il y a effectivement eu ces discussions ?

Je sais que ces discussions devaient avoir lieu depuis très longtemps déjà. Nous, notre devoir, en tant que président de l’Union continentale, c’est de faire de telle sorte que, une fois que la région est désignée comme devant prendre la tête de l’Union africaine, que la région discute entre elle et se mette d’accord. Nous avons incité, poussé les Comores et le Kenya à se mettre d’accord. Et nous avons bon espoir qu’il en sera ainsi.

Par Magalie LAGRANGE

In. https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invite-afrique/20221216-aissata-tall-sall-ministre-les-etats-unis-s-inscrivent-dans-les-interets-prioritaires-de-l-afrique-il-faut-s-en-feliciter

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