Contre La sansure

Ambition, formation et travail dans la durée: quelques leçons de la performance sportive marocaine

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La coupe du monde connaîtra son épilogue ce dimanche 18 décembre avec la finale France-Argentine. Retour avec Gilles Yabi sur la performance historique du Maroc, et surtout sur les leçons qui pourraient être tirées par d’autres pays africains. 

Je suis passionné de football, ce qui n’a rien d’original, le football version confortable depuis son canapé. Je me méfie aussi de toute tentation de pousser trop loin les analyses économiques, politiques ou géopolitiques du football et d’oublier qu’il y a encore heureusement une dimension ludique et un facteur chance qui fait souvent la différence entre le vainqueur et le perdant ultimes d’un match très disputé. Mais on n’arrive pas à une demi-finale de Coupe du monde tout à fait par hasard. Ce que les Lions de l’Atlas ont fait, en devenant la première équipe africaine à faire partie du dernier carré de la coupe du monde, est le résultat d’une volonté politique déclinée en décision d’investissement, en montage financier habile, en mobilisation de ressources humaines compétentes, et en travail de longue durée pour concrétiser une ambition.

Cette épopée de l’équipe marocaine doit beaucoup aux investissements dans la formation des jeunes joueurs et dans la relance d’une politique sportive à l’échelle nationale, avec des moyens importants et un suivi au plus haut niveau politique… 

Oui, le plus haut niveau politique au Maroc, c’est le souverain lui-même qui s’entoure de conseillers avertis. Comme le souligne un article publié dans le magazine So Foot, c’est le roi Mohammed VI qui s’est interrogé sur les difficultés du football marocain à produire de bons résultats, que ce soit au niveau des clubs que de l’équipe nationale. Le 14 mai 2008, le roi a annoncé la construction de l’académie de football qui porte son nomun centre de formation de haute facture qui s’inspire des modes de gouvernance en vigueur dans les grands clubs de football internationaux. 140 millions de dirhams, soit treize millions d’euros, ont été investis pour la réalisation du projet, un financement et une réalisation par des grandes entreprises privées marocaines.

Fonctionnelle depuis 2009, l’académie, située à Salé près de Rabat, a commencé à donner à la sélection nationale ses premières pépites. Youssef En-Nesyri, Nayef Aguerd, Reda Tagnaouti et Azzedine Ounahi, étincelants pendant cette coupe du monde, sont tous les quatre issus de cette académie. C’est l’ensemble de l’écosystème du football marocain qui a bénéficié de cet investissement avec des clubs qui gagnent depuis quelques années les titres africains. Tous les bénéfices qui sont générés par les ventes de joueurs sont réinjectés dans l’académie. Il y a aussi une volonté de donner la chance à tous les enfants dans toutes les régions du pays de se faire repérer pour intégrer l’académie.

Vous dites aussi que la recette marocaine dans le domaine du football est en fait la même qui a été suivie dans d’autres domaines, qui a permis de véritables avancées économiques et sociales. 

Absolument. Il y a eu des investissements considérables au cours des deux dernières décennies dans les infrastructures stratégiques de transport, de communication, d’énergie, et des investissements dans les systèmes d’éducation, de formation, de recherche. L’approche est aussi très pragmatique avec une ouverture qui permet d’aller chercher des compétences spécifiques notamment pour l’enseignement et l’innovation dans les institutions universitaires d’excellence tout en s’assurant de construire progressivement un réseau de compétences marocaines.

A priori, ces recettes ne sont pas extraordinaires, mais on n’observe pas dans beaucoup de pays sur le continent cette capacité à décliner une ambition en actions inscrites dans la durée, avec un suivi effectif qui permet des réajustements quand les choix initiaux ne donnent pas de bons résultats. Tout cela ne signifie pas, bien sûr, que le royaume est exemplaire et que tout y est rose comme la ville de Marrakech. Cela signifie qu’il y a des choses à apprendre, des leçons à tirer. Avoir de l’ambition en tant que communauté nationale, savoir que l’ambition n’est que vanité et chimère si elle n’est pas accompagnée d’un travail sur la durée, d’une priorité à l’éducation et à la formation et d’une confiance dans ce que peuvent réaliser ses jeunes, ses enfants. Ce n’est pas exactement le signal qui est donné par beaucoup de gouvernants sur le continent.

Par : Gilles YABI 

In. https://www.rfi.fr/fr/podcasts/ca-fait-debat-avec-wathi/20221217-ambition-formation-et-travail-dans-la-duree-quelques-lecons-de-la-performance-sportive-marocaine

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