Après 3 ans du M5-RFP, le Mali entre déni, désillusion et attentes déçues
5 juin 2020. Sous la bannière d’une coalition hétéroclite désignée sous le vocable de «Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques» (M5 – RFP), des milliers de Maliens convergeaient au Boulevard de l’Indépendance pour réclamer la démission du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
Prenait ainsi forme un mouvement fort de ses nombreuses composantes politiques et associatives, issues de divers horizons partisans ainsi que de la société civile. On y dénombre la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), Espoir Mali Koura (EMK) de Cheick Oumar Sissoko et le Front de sauvegarde de la démocratie (FSD), le seuls sont rejoints par la suite par deux centrales syndicales que sont la CDTM et de la CSTM. Partie de la contestation des résultats des élections législatives de 2020, auxquels se sont greffés la gouvernance d’IBK, la gestion de la crise sécuritaire au Nord et au Centre, le front de Bamako va embrasser presque toute les capitales régionales par ses manifs périodiques, au point d’atteindre la diaspora malienne va également dont un frange est entrée dans la danse à son tour.
Après trois meetings, respectivement les 5 Juin, 19 Juin, 10 Juillet, la protestation va déboucher sur une désobéissance civile le 10 et 11 juillet 2020. L’Office de radiodiffusion et de télévision du Mali (ORTM), le siège l’Assemblée nationale et du Haut conseil des collectivités seront tour à tour saccagés et pillés par des manifestants sous la houlette de caciques du M5. Suite à l’intervention des forces de l’ordre, on a pu déplorer plus d’une dizaine de morts parmi les manifestants et plusieurs autres blessées lors de ces évènements. De quoi obliger le président de la République à concéder la dissolution de la Cour constitutionnelle par la nomination de ses membres restants.
Par la même occasion, il s’est engagé à mettre en œuvre les recommandations issues de la mission de la CEDEAO, notamment la recherche de solutions consensuelles aux contentieux issus des élections législatives et la formation d’un gouvernement d’union nationale. Sauf que cette promesse du président tombe dans une oreille de sourde. Après une semaine de chaos, 5 colonels réunis au sein du CNSP, avec à leur tête un certain Assimi Goita, commandant des forces spéciales, décide de passer à l’acte qu’ils appellent plus tard parachèvement de la lutte du M5. Le 18 aout, en effet, le président IBK et son premier sont mis aux arrêts et conduits manu militari au camp militaire de Kati, qui était censé ne plus faire peur à Bamako. Au bout de quelques jours de résistance, IBK va annoncer sur les ondes de la télévision nationale sa démission à la présidence de la République.
Contre toute attente du Comité stratégique du M5, c’est le Col à la retraite, Bah N’Daw, qui est choisi pour présider une transition de 18 mois et Moctar Ouane chef du gouvernement de transition sur proposition de leur autorité morale, l’imam Dicko. Le M5, qui rêvait de jouer un rôle de premier plan, se contentera de quelques postes au sein du CN et sa lutte venait d’être confisquée par les militaires après leur parachèvement. C’est du moins là dénonciation faite par Choguel et ses compagnons, le 9 avril 2021, à la faveur d’une conférence de presse, à l’issue de laquelle l’accompagnement de la Transition va tourner à l’opposition sur fond de réclamations et d’appels à la rectification de sa trajectoire, consignée dans un mémorandum en 10 points et 17 mesures.
Le M5 en plus de la réduction du train de vie de l’Etat, de l’audit du patrimoine immobilier de l’Etat, la justice pour les morts et blessés de la désobéissance civile, l’organisation des assises nationales pour la refondation, exigeait aussi le respect de la durée de 18 mois de la transition, la dissolution du CNT qu’il taxait d’illégale et d’illégitime mais et surtout la révision de la constitution dans le respect de son article 118, entre autres. Neuf mois après, leur lutte finira par porter ses fruits. Bah N’Daw et le gouvernement de Moctar Ouane sont déposés, le 24 mai 2021, suite à un réaménagement controversé du gouvernement et la mise en place de l’équipe gouvernementale la plus éphémère de l’histoire.
Ainsi, en plus de la Primature, plusieurs départements ministériels seront confiés aux acteurs du mouvement anti-IBK. Sauf que deux ans après la question est de savoir ce que sont devenus les 10 points et 17 mesures du M5. La réponse est sans appel : hormis la tenue des assises de la refondation, aucune de ces exigences n’ont été prises en compte, en dépit de l’avènement de Choguel à la Primature : le train de vie de l’Etat tant dénoncé est demeure inchangé de même que la composition du Conseil national de transition décrié par le M5 jusque devant les tribunaux, tandis que les victimes des 10 et 11 aout 2020 attendent toujours que justice soit faite. Et ça n’est pas Choguel, avec plus de chargés de mission que de missions à la Primature, qui dira le contraire. Pis, c’est avec la caution et la bénédiction du M5 que la Transition de 18 mois sera prorogée et la révision de la constitution interviendra au mépris de l’article 118. Aujourd’hui encore, ce sont des ténors du même mouvement qui battent campagne pour son adoption.
Comme quoi ce combat mené au nom du peuple s’est réduit au seul et unique dessein de s’inviter au banquet. Toutes choses qui finiront par avoir raison de la cohésion du mouvement hétérogène. Alors que certains ténors ont trouvé une place convenable, d’autres par contre ont été tout simplement éjectés du système après la rectification. C’est le cas de Issa Kaou, dont le décret de nomination au CNT sera abrogé après un séjour à Bamako-coura. Quant à l’autorité morale du mouvement, qui a eu le privilège de proposer le premier PM de la Transition, il s’est imposé un silence, après avoir remercié ses protégés sous Moctar Ouane. Au même moment, d’autres comme Cheick Oumar Sissoko, Mme Sy Kadiatou Sow, Modibo Sidibé, Konimba Sidibé, Me Mohamed Ali Bathily et Clément Dembélé, celui-là même qui nourrissait le rêve d’être Pm de plein pouvoir, cherchent encore la direction du vent. Et un certain Oumar Mariko a été même poussé à l’’exil. Des péripéties qui ne pouvaient qu’entraîner la dispersions des rangs et à bipolarisation du mouvement : le M5 original et le M5-Kura.
Le bilan des trois du M5-RFP se résume finalement à 12 mois de lutte, dont 3 contre le régime IBK et 9 contre le CNSP sur fond de déni, de désillusion et de promesses non tenues.
Amidou Keita
In. https://www.maliweb.net/societe/3-ans-du-m5-rfp-entre-deni-desillusion-et-attentes-decues-3023621.html