Championnat européen de football ou l’indolence de la jeunesse guinéenne

Le doyen Amadou Diouldé Diallo disait que le football est devenu une religion des temps modernes. Mais il devait ajouter le football européen. Tout le football n’étant pas logé dans la même enseigne. Le football africain, en particulier, ne suscite pas un grand intérêt pour les Africains. A fortiori pour les autres. Quant aux clubs du vieux continent, ils déchaînent les passions. Particulièrement en Afrique. Illustration la plus parfaite de la mondialisation à deux vitesses. Avec d’un côté des Africains qui ne respirent que pour les Européens et de l’autre ces derniers qui ignorent l’existence même de l’Afrique. Allez savoir si la CAN est suivie là-bas.
Jusqu’à une période récente, certaines vedettes noires faisaient leur entrée dans certains stades européens avec anxiété. Les spectateurs imitant les singes pour stigmatiser ceux-là même qui leur procure le plaisir. Beaucoup de ces joueurs ont été confrontés à un véritable dilemme : fallait-il continuer à jouer et gagner de l’argent dans l’extrême humiliation ou fallait-il jeter l’éponge ? En 2017, le footballeur togolais, Francis Koné, n’avait eu la paix que grâce à son geste salvateur. Il avait reçu le 22 octobre de cette année le prix FIFA du Fair play pour avoir sauvé la vie du gardien adverse Martin Berkovec au cours d’un match du championnat tchèque entre son équipe le FC Slovacko et les Bohemians 1905 Prague.
Ce geste hautement humain, de ce « singe », avait permis à cet Africain de respirer dans un pays où il subissait l’humiliation des racistes. Pendant ce temps, sur le continent, la plupart des fans du cuir rond ont pris un adjectif européen. On est Madrilène ou catalan. L’Espagne ayant dominé jusqu’ici le football européen. La donne pourrait changer avec la dernière finale qui a opposé un club italien à un club français.
Mais là n’est pas le problème. On peut se coller l’adjectif que l’on veut. Par contre, là où il y a problème, c’est à deux niveaux : le premier, les matches de nos équipes nationales ne suscitent aucun intérêt sur le continent. Le second, ce sont parfois les drames que les matches entre clubs européens, qui ne nous concernent peu, causent chez certains supporters guinéens.
Pas plus tard que le 31 mai dernier, une altercation a éclaté entre deux soi-disant milanais et parisien qui ont failli arriver aux mains. Depuis, ils ne se parlent pas. Quel excès ? Comment un Guinéen peut-il se remplir le ventre du riz asiatique, dans le meilleur des cas, regarder un match lorsqu’EDG le veut, en ces temps de retour de tour-tour, et prétendre être milanais ou parisien ? Assurément, il est tout sauf parisien, milanais, madrilène ou catalan. Le jour où il sollicitera un visa pour se rendre à Paris, Milan ou Barcelone, il saura qu’il est plutôt Guinéen.
Qu’on aime ou qu’on déteste cette Guinée, c’est ici, et nulle part ailleurs, que nous devons réaliser notre rêve. Comme disait le Général De Gaulle « le patriotisme c’est aimer son pays, le nationalisme c’est détester celui des autres ». Nous souhaitons donc voir autant d’intérêt pour les matches de nos clubs. Même si on peut s’intéresser à ce qui se passe dans le désormais petit village planétaire. Mais nous devons mettre la pression nécessaire sur nos dirigeants afin qu’ils nous dotent des infrastructures sportives dignes de ce nom. Et aider nos clubs pour qu’ils nous procurent le beau spectacle.
Tout le reste n’est que mirage. Le même mirage qui pousse nos jeunes à aller mourir loin de la patrie. Enterrés dans des fosses communes ou avalés par des requins en haute mer. A voir le nombre impressionnant de motos-taxis devant les vidéos clubs pendant les matches, on se rend compte que la jeunesse doit se mettre au travail. Le football européen a fait de nos garçons ce que les séries sud-américaines ont fait de nos filles.
Habib Yembering Diallo pour guineematin.com
Image de la UNE: Lamine Yamal (Barcelone, à droite) et Kylian Mbappé (Real Madrid) se disputeront le trophée le plus prestigieux d’Espagne lors de la 123e finale de la Copa del Rey, le 26 avril 2025 [Fichier : Alvaro Medranda/Quality Sport Images via Getty Images]