Contre La sansure

« EMBASTILLEMENT » DE ROCH MARC CHRISTIAN KABORE : De Quoi La Junte A-T-Elle Peur ?

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Nonobstant les appels de plusieurs acteurs politiques, coutumiers, religieux, de la société civile ou de simples citoyens pour sa libération totale, l’ancien président, Roch Marc Christian Kaboré, reste assigné à résidence, sans que cela n’émeuve étonnamment les mouvements des droits de l’Homme.

En revanche, ceux qui débordent encore de ferveur et de dévotion à l’endroit de l’homme, multiplient les rencontres et les sorties médiatiques, pour alerter l’opinion publique nationale et internationale sur les dérives du nouveau régime, en brandissant la « séquestration scandaleuse » de Roch Kaboré comme preuve. La semaine dernière, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti de l’ancien président, et la Coordination des organisations pour la libération de Roch Marc Christian Kaboré, dirigée par un ancien chargé de mission de ce dernier, ont dénoncé encore une fois avec force, la vie casanière imposée à leur champion.
Et pour se faire entendre davantage, la Coordination avait prévu une marche de protestation samedi dernier contre ce qu’elle qualifie d’atteinte grave aux droits du président Kaboré, mais elle a dû se rabattre sur le Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) où elle a réuni ses militants et sympathisants suite au refus de la mairie de Ouagadougou d’autoriser sa manifestation de rue initialement prévue pour se dérouler au symbolique rond-point des droits humains, à un jet de pierre de la résidence privée de l’ancien président.
Les gendarmes en tenue d’affrontement et les robocops qui devaient veiller au respect de la décision de l’autorité, n’ont donc pas eu grand-chose à faire ; les organisateurs de l’événement s’étant contentés de regretter l’interdiction du meeting qui confirme, selon eux, le caractère liberticide du régime militaire, puisque ce dernier, seulement vieux de quatre mois, n’en est pas à son coup d’essai dans la non-autorisation de ce genre de manif.

Le régime actuel devrait éviter de trébucher et de tomber là où son prédécesseur s’est cassé les côtes.

On peut d’ailleurs se demander pourquoi autant de fébrilité de la part du gouvernement à chaque fois que le sort de l’ancien président est évoqué. Pourquoi filtrer les visites à son domicile alors qu’il n’en est pas le requérant ? Et pour quelle raison l’empêche-t-on d’aller et de venir sans contrariété ? De quoi a peur la junte, surtout que le président a docilement accepté de quitter ses fonctions, et serait même prêt à faire profil bas pour ne pas gêner le déroulement de la transition ?
N’étant pas dans les secrets des dieux, il est difficile d’avoir des réponses précises à cette série de questions, mais on peut tout de même imaginer que c’est davantage pour leur propre sécurité que les tenants du pouvoir ont décidé de « bâillonner » l’enfant de Tuiré qui en sait certainement beaucoup sur la responsabilité de certains dignitaires de la transition, relativement aux revers subis par notre armée face aux terroristes et à l’échec de nos stratégies de lutte contre le terrorisme pendant qu’il était aux affaires.

La Junte aurait-elle peur de révélations que pourraient faire l’ancien président qu’elle a renversé ?

Des révélations sur les circonstances de son départ du pouvoir, sur le dossier Inata et sur d’autres affaires ultra-sensibles pourraient éclabousser certains de ses tombeurs, même si lui-même risque, évidemment, de ne pas sortir indemne de la bourrasque que cela pourrait provoquer.

Le président Damiba risquerait gros, en effet, si des choses compromettantes pour lui ou pour ses lieutenants, sortaient de la bouche de son prédécesseur surtout au moment où les terroristes sont en mode rouleau compresseur contre les civils, notamment à l’Est et au Sahel, et alors que la plus grande région agricole du Burkina qu’est la Boucle du Mouhoun, risque de s’embraser, avec la mèche récemment allumée dans la Kossi.
Les derniers bilans communiqués par l’État-major général des armées faisant état de plusieurs dizaines de terroristes massacrés à Bourasso et Barakuy dans la Kossi et à Bourzanga dans le Bam, montrent clairement que l’armée n’a pas plié l’échine devant l’ennemi. Loin s’en faut. Mais pour gagner cette guerre asymétrique et d’usure, il faut, on ne le répètera jamais assez, que tous les Burkinabè se donnent la main en faisant table rase des problèmes politiques et/ou ethniques qui ont pu les opposer.

Le régime actuel, qui semble vouloir allier le bâton et la carotte pour une sortie de crise définitive, devrait donc éviter de trébucher et de tomber là où son prédécesseur s’est cassé les côtes, en ostracisant ceux qu’il a chassés du pouvoir, croyant ou faisant croire que ces derniers sont à la base de tous les malheurs du pays. La réconciliation nationale qui est aujourd’hui sur toutes les lèvres, sera malheureusement vaine si les autorités actuelles, par leurs faits et gestes, donnent l’impression qu’elles ont mal compris l’aphorisme selon lequel « la meilleure défense, c’est l’attaque », en s’attaquant à des adversaires politiques, au lieu de trouver la formule pour amener le peuple à travailler de concert et à aller de conserve pour « neutraliser » les ennemis communs de la Nation que sont les terroristes et leurs complices avérés.

 

Hamadou GADIAGA
(*) In. https://lepays.bf/embastillement-de-roch-marc-christian-kabore-de-quoi-la-junte-a-t-elle-peur/

guinafnews.org a ajouté la photo du Lt-Colonel Damiba et la légende qui l’accompagne.

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