En Guinée, la transition avance à pas de tortue

Les militaires qui ont pris le pouvoir le 5 septembre 2021 n’ont toujours pas présenté de calendrier électoral précis en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel.
Il y a quelques jours, lors de son discours de fin d’année, le colonel Mamadi Doumbouya a annoncé l’organisation, cette année, d’un référendum, mais sans pour autant préciser la date de sa tenue. La déclaration du colonel putschiste fait planer le doute sur la volonté des militaires de céder le pouvoir aux civils.
Car à un an de la fin de la période de transition que les militaires s’étaient librement fixée pour mettre en œuvre leur programme, de nombreux Guinéens sont inquiets quant au respect des engagements pris par la junte militaire.
Depuis plus de deux ans, le pays n’est toujours pas doté d’un fichier électoral et aucun calendrier électoral n’a été présenté par les militaires soupçonnés de vouloir rester au pouvoir. Ainsi Ibrahima Ballaya Diallo, membre des organisations de la société civile, se méfie de l’annonce de l’organisation d’un référendum en 2024 par le pouvoir militaire.
« Ce sont juste des mots qu’il a placés concernant un hypothétique référendum constitutionnel. Moi, j’attends de voir. Nous, au niveau des forces sociales de Guinée, on avait très tôt alerté sur le fait de laisser aujourd’hui perdurer cette transition sans qu’il n’y ait aucune visibilité, aucune lisibilité par rapport à cela », déclare M. Diallo à la DW.

Une tentative de coup d’Etat ?
Outre l’annonce de la tenue d’un référendum dont on n’ignore pas la date, c’est surtout la présentation à la télévision nationale, par les autorités de Conakry, d’un officier militaire qui aurait planifié un coup d’État contre Mamadi Doumbouya qui ne cesse de susciter des commentaires autant en Guinée que dans la diaspora.
Car les déclarations de ce présumé comploteur et de ses complices rappellent le tristement célèbre régime de Sékou Touré et ses méthodes d’élimination des opposants.

« La Guinée, depuis le premier régime, a vécu dans le complotisme avec le fameux camp Boiro qui a broyé autant d’intellectuels civils que militaires. Donc, c’est un pays qui n’arrive pas à se débarrasser de ses vieux démons du complotisme », rappelle l’analyste politique guinéen Mamadou Dian Baldé.
Pour Abdouramane Sano, président par intérim du mouvement Citoyen pour la République, la méthode utilisée pour obtenir les supposés aveux est contraire au respect des droits et des libertés des citoyens.
« On dit qu’ils ont été graciés, est-ce qu’ils avaient été condamnés ? Est-ce que cela ne renvoie pas à l’image d’un pays où on peut arrêter des gens, on les met en prison pendant la durée qu’on veut, et après, on les libère en leur demandant de présenter des excuses ? », s’interroge-t-il.
Accès à Internet limité

Quant à la liberté d’expression, le climat reste aussi tendu entre les chaînes de radio et de télévisions privées d’une part et la junte militaire de l’autre qui a demandé et obtenu le retrait sur Canal+ de la diffusion de toutes les émissions à caractère politique.
L’accès à Internet et aux réseaux sociaux a été complètement réduit dans le pays, s’indigne Ibrahima Ballaya Diallo de la société civile. Il note que « cela fait plus de 40 jours qu’on est sans internet. Les médias sont fermés. Les médias qui veulent rouvrir ont dû prendre des engagements pour dire, finalement, qu’ils ne feront plus d’émissions politiques. Quel est le partenaire technique et financier qui va voir ce genre de gouvernance et investir dans le pays ? »
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