Maître Mohamed Traoré,
Je viens à vous les mains vides mais la tête pleine de points d’interrogation. Moi, pauvre profane, qui n’ai jamais feuilleté autre chose que le cahier de ma dette au boutiquier, j’ai osé lire l’Avant-projet de Constitution. Grave erreur ! Depuis, je ne dors plus.
Je découvre qu’il faut avoir 35 ans pour être Président (article 45). Très bien, ça se comprend : c’est sérieux de diriger un pays.
Mais pour être député, il suffit d’avoir 21 ans (article 103). Normal, on aime la jeunesse.
Et c’est là que la farce commence : en cas de vacance du pouvoir, c’est… le Président de l’Assemblée nationale qui devient Président par intérim (article 72).
Alors, Maître, éclairez-moi :
Est-ce qu’un étudiant de 21 ans, qui n’a pas encore fini de comprendre la différence entre amphi et hémicycle, peut se retrouver Président de la République, Chef suprême des Armées, Grand maître des ordres nationaux, rien que parce qu’il a été élu Président de l’Assemblée nationale ?
Je sais, Maître, ma question est bête. Mais avouez qu’elle vaut le détour :
– Doit-on avoir 35 ans pour franchir la porte principale de Sékoutouréya, mais seulement 21 pour y entrer par la fenêtre de l’intérim ?
– Est-ce qu’on interdit à quelqu’un de conduire une voiture faute d’âge, mais on l’autorise à piloter un Boeing présidentiel si le pilote meurt en plein vol ?
– Est-ce qu’on peut être trop jeune pour être élu Président, mais assez grand pour le devenir par accident de la vie politique ?
Maître, aidez-moi, car mon cerveau de profane surchauffe. Est-ce que je confonds tout ? Est-ce que j’exagère ? Ou bien est-ce la Constitution elle-même qui se prend les pieds dans le tapis de sa propre logique ?
Je vous pose humblement la question, en public, car j’imagine déjà votre réponse : longue, précise, brillante, remplie de jurisprudences et de codes. Moi, je n’ai que mon bon sens : deux et deux font quatre, pas cinq.
Alors dites-moi, Maître : est-ce que cette Constitution veut nous faire croire que deux et deux peuvent faire 21… puis 35… selon le chapitre ?
Avec toute ma naïveté corrosive,
Un simple profane, qui attend la leçon du maître.
Alpha Issagha Diallo
Profane certifié, diplômé de l’Université du Bon Sens
Citoyen sans Code civil mais avec une calculette : 21 ≠ 35