L’insécurité orchestrée : La junte guinéenne face à ses dérives autoritaires

À l’heure où la Guinée traverse une période de turbulence sans précédent, il est difficile de croire que l’insécurité croissante à laquelle sont confrontés les leaders politiques relève du hasard.
La plainte déposée par l’UFDG et le RPG-Arc-En-Ciel contre X pour dénoncer des menaces de kidnapping de leurs cadres est un énième témoignage accablant de l’incapacité – ou plus vraisemblablement de la complicité – du régime militaire en place. Ce climat délétère, loin d’être le fruit d’une simple défaillance sécuritaire, apparaît comme un outil cynique destiné à intimider, à museler l’opposition et à prolonger indéfiniment le règne de l’arbitraire.
Depuis le coup d’État du 5 septembre 2021, la junte guinéenne a prouvé que son agenda ne se limitait pas à la transition démocratique promise. Musellement de la presse, interdiction des manifestations, répression brutale des voix dissidentes : autant de symptômes d’un régime qui se méfie de la liberté autant qu’il s’en nourrit en façade. La récurrence des arrestations arbitraires et la multiplication des menaces informelles s’inscrivent dans cette logique de terreur silencieuse. À la différence des régimes qui gouvernent par consentement, la junte choisit de gouverner par la peur, en érigeant l’insécurité en politique d’État.
La plainte conjointe de l’UFDG et du RPG-Arc-En-Ciel n’est pas qu’une alerte ponctuelle ; elle met en lumière une insécurité savamment entretenue par un pouvoir dont la survie dépend du contrôle absolu. Comment comprendre, en effet, que des leaders de premier plan soient menacés sans que les autorités n’interviennent ? Cette passivité délibérée alimente l’hypothèse d’une complicité active entre la junte et des réseaux d’intimidation parallèles, chargés d’étouffer toute contestation. La dénonciation d’une « absence de fondement légal » dans les menaces illustre la nature arbitraire de ces pratiques : elles ne visent pas à protéger la sécurité nationale, mais à verrouiller l’espace politique au profit de la junte.
Cette stratégie du chaos savamment orchestré témoigne aussi d’un mépris total pour la justice. En déposant plainte auprès du Procureur Général, les partis d’opposition testent l’indépendance de l’institution judiciaire. Mais en Guinée, le droit est devenu une arme au service de ceux qui détiennent le pouvoir, tandis que la loi se tord sous les injonctions de l’exécutif militaire. Le silence éventuel de la justice sur ces menaces serait la preuve supplémentaire d’une soumission aux caprices du régime.
Dans ce contexte, le message de « calme et sérénité » adressé aux militants par l’UFDG et le RPG sonne comme un avertissement indirect : la lutte politique ne s’arrête pas. Si la junte croit pouvoir réduire les Guinéens au silence par la censure et la répression, elle se méprend. Car la soif de liberté ne se muselle pas ; elle grandit dans les marges et se renforce dans l’adversité. Le peuple de Guinée, victime d’un coup d’État déguisé en mission de redressement, sait aujourd’hui que la promesse de transition n’était qu’un leurre.
L’urgence n’est donc plus seulement de garantir la sécurité des opposants, mais de sauver l’essence même de la République, étouffée par la peur, la censure, et le dévoiement des institutions. Ce régime, qui prétend rétablir l’ordre constitutionnel en paralysant la presse libre et en confinant les libertés publiques, ne peut qu’échouer. Car un pouvoir fondé sur la répression et l’insécurité n’est que l’ombre de lui-même, voué à s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions. L’histoire l’a démontré maintes fois : un peuple privé de liberté n’a jamais cessé de la revendiquer.