M. Soninké, « votre texte (*), bien qu’intentionné, manque de courage politique en minimisant les responsabilités du CNRD… »

Mon cher Soninké,
Votre appel à l’unité et à la responsabilité collective des Guinéens, ainsi qu’à une opposition constructive, est en soi un objectif noble et pertinent. Cependant, votre plaidoyer souffre de plusieurs lacunes et contradictions qu’il est important de souligner pour éviter de tomber dans un discours complaisant ou utopique.
1. Une vision déséquilibrée des responsabilités
Vous semblez répartir équitablement les torts entre les citoyens et les gouvernants, en appelant à une “responsabilité collective”. Mais comment pouvez-vous espérer impliquer les citoyens dans la construction d’une Guinée prospère quand ceux-ci sont privés de leurs droits fondamentaux ? Vous évoquez la nécessité de dialogue inclusif, mais dans la Guinée actuelle, où des leaders d’opinion sont emprisonnés, des opposants contraints à l’exil et des médias muselés, ce dialogue est rendu impossible par les dérives autoritaires du CNRD.
Si vous reconnaissez qu’“il y a des dérapages qu’il faille dénoncer”, vous ne les nommez jamais explicitement. Comment parler de “responsabilité partagée” quand les citoyens subissent l’injustice sans pouvoir s’exprimer ? Cette omission affaiblit votre argument et donne l’impression que vous cherchez à minimiser les abus actuels du régime.
2. La complaisance envers le CNRD
Votre texte présente le Général Mamadi Doumbouya comme un dirigeant désintéressé, porteur d’une vision réformatrice pour la Guinée. Mais qu’en est-il réellement ? Sous son leadership, des pratiques autoritaires (arrestations arbitraires, restrictions des libertés publiques, corruption flagrante) continuent de prospérer.
Vous affirmez qu’il a hérité d’une Guinée fracturée. C’est vrai. Mais plutôt que d’œuvrer à la réconciliation nationale, son gouvernement semble amplifier les divisions à travers des pratiques discriminatoires, des récompenses clientélistes (comme la voiture somptueuse offerte à un allié politique) et une gestion opaque des ressources publiques.
Plutôt que de présenter le régime comme une “opportunité historique”, il serait plus honnête de reconnaître que cette transition risque de devenir un miroir des régimes passés, avec les mêmes abus de pouvoir sous un autre visage.
3. Une utopie déconnectée de la réalité
Vous appelez à une opposition constructive et à un rejet des extrêmes, tout en prônant la responsabilité collective. Cependant, vous omettez de souligner que l’espace pour une opposition constructive est inexistant dans le contexte actuel. Comment demander aux citoyens de contribuer à une Guinée prospère quand ils vivent dans la peur, l’injustice et l’instabilité économique ?
Votre proposition d’éduquer les citoyens au civisme est louable, mais elle semble hors de propos dans un climat où le pouvoir lui-même manque de transparence et de respect des droits humains. Le problème n’est pas le manque de civisme des citoyens, mais l’incapacité des dirigeants à instaurer un environnement démocratique où les citoyens peuvent pleinement jouer leur rôle.
4. La minimisation des dérives du régime
Votre tentative de justifier les excès actuels du pouvoir en expliquant qu’ils sont nécessaires pour “changer de vieilles et laides habitudes” est non seulement dangereuse, mais aussi erronée. Les abus de pouvoir ne construisent jamais une nation ; ils la divisent et perpétuent la méfiance.
Il est impératif que vous reconnaissiez clairement ces dérives :
•La répression des voix dissidentes, avec des arrestations arbitraires et des procès expéditifs.
•La concentration du pouvoir entre les mains du CNRD et l’absence d’un cadre clair pour une transition démocratique.
•La gestion clientéliste des ressources publiques, symbolisée par des cadeaux somptueux et des privilèges pour les proches du régime.
Recommandations :
Si vous souhaitez réellement contribuer à l’unité nationale et à une transition réussie, voici quelques pistes :
1.Dénoncer sans ambiguïté les abus du régime : Le dialogue ne peut être constructif que si le pouvoir respecte les droits fondamentaux des citoyens et met fin aux pratiques autoritaires.
2.Plaider pour des réformes structurelles : Cela inclut la libération des prisonniers politiques, la garantie de la liberté d’expression et la création d’un cadre transparent pour la transition.
3. Éviter la complaisance : Un discours équilibré doit à la fois encourager les citoyens à s’impliquer et rappeler aux dirigeants leurs obligations envers la population.
En définitive, votre texte, bien qu’intentionné, manque de courage politique en minimisant les responsabilités du CNRD et en omettant de dénoncer fermement les injustices actuelles. Une véritable unité nationale ne peut se construire que sur une base de justice, de respect des droits fondamentaux et de responsabilité des dirigeants. Je vous invite à reconsidérer votre position pour adopter une approche plus équilibrée et audacieuse.