Contre La sansure

Niagalé Bagayoko: le retrait du Burkina, Mali, Niger de la Cédéao va «entraver la libre circulation des populations»

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La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre : trois des quinze pays de la Cédéao ont annoncé dans un communiqué conjoint et simultané qu’ils quittaient l’organisation sous-régionale. Les rapports entre le Niger, le Mali et le Burkina et la Communauté économique ouest-africaine n’ont cessé d’empirer après chaque coup d’État militaire à Niamey, Bamako et Ouagadougou. La rupture semble donc consommée. Analyse avec Niagalé Bagayoko, docteure en Science politique et présidente de l’African Security Sector Network (ASSN).

RFI : Niagalé Bagayoko, le Niger, le Burkina Faso et le Mali, réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), viennent donc d’annoncer vouloir quitter la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Ceci dit, est-ce que c’est aussi simple ? Les statuts de l’organisation mentionnent qu’une telle procédure prend au moins un an.  

Niagalé Bagayoko : Tout à fait, c’est l’article du traité révisé de la Cédéao, l’article 91 qui prévoit un délai d’un an pour matérialiser le retrait souhaité par l’un des États membres. Bien entendu, vous mentionnez ce cadre de l’AES, mais il faut aussi, je pense que c’est important, se souvenir que la Cédéao est apparue comme un cadre impropre à la gestion des questions, notamment sécuritaires, du Sahel. Lorsque les gouvernements civils, en 2014, de ces mêmes États que sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ont envisagé de créer une force de trois mille hommes dans le cadre de l’autorité intégrée du Liptako-Gourma, qui reprend exactement les frontières de l’actuelle AES ; donc, c’est là qu’on voit que les dynamiques sont en réalité assez profondes, que la défiance n’a cessé de croître. Et, bien entendu, les positions ensuite adoptées d’un point de vue politique par la Cédéao, à la suite des coups d’État survenus dans les trois pays, n’ont fait que confirmer la défiance, notamment en raison des sanctions très sévères, notamment pour les populations, qui ont été adoptées et ont donc renforcé également la détermination des autorités à se défaire de ces cadres dans les trois pays.

Justement, vous parlez des populations. Qu’est-ce que ce retrait implique concrètement au quotidien, ou impliquerait concrètement au quotidien, pour les populations du Niger, du Burkina Faso et du Mali ?  

Moi, il me semble que le premier point à mettre en relief est celui de la libre circulation. Le grand acquis de la Cédéao, depuis sa création, a vraiment été de permettre les déplacements sans autorisation ou nécessité de visa entre les pays membres. Et, il s’agit à la fois à titre individuel, mais pour les acteurs économiques, parce que sont aussi impliquées des questions de droit de douane. C’est un point fondamental, et c’est sans doute sur celui-là que les trois États auront le plus besoin de trouver des stratégies de pédagogie, d’explication. Parce que sur le plan politique, je pense que leurs opinions publiques auront plutôt tendance à soutenir cette décision de retrait. En revanche, lorsqu’elles en mesureront les conséquences économiques, ou à titre individuel, quand leur possibilité de se déplacer dans un espace qui est extrêmement intégré, il pourrait y avoir une plus grande contestation. Donc, je pense qu’il faut vraiment s’apercevoir qu’on est face, à mon avis, à un bouleversement majeur de fond d’un point de vue institutionnel et géostratégique.

Une recomposition majeure, dites-vous, qui se fera sans dommages pour les populations ? 

Les populations, malheureusement, sont depuis le début de cette crise sahélienne, les premières victimes de toutes les violences qui sont commises par divers acteurs, qu’il s’agisse des groupes djihadistes, qu’il s’agisse des groupes d’autodéfense, qu’il s’agisse de certaines unités des forces armées elles-mêmes, ou qu’il s’agisse de gouvernements qui s’opposent à l’État de droit et à la liberté d’expression.

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