Quand la justice menace le droit de propriété et renforce l’arbitraire

La récente décision de la Cour suprême d’annuler les décrets qui attribuaient légalement des propriétés à Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo remet en cause un principe fondamental : la garantie du droit de propriété en Guinée. En annulant des décisions présidentielles prises il y a plusieurs années, cette décision envoie un message inquiétant à tous les citoyens. Si même un décret signé par un chef d’État peut être révoqué après tant d’années, qui peut encore avoir confiance en l’administration et en la justice du pays ?
Cette situation crée une insécurité juridique et économique sans précédent. Aujourd’hui, ce sont des opposants politiques qui sont visés, mais demain, qui sera le prochain ? Un entrepreneur qui a investi dans l’immobilier ? Un citoyen ordinaire qui a hérité d’un bien familial ? Un investisseur étranger qui croyait en la stabilité du pays ? Cette incertitude risque de freiner les initiatives et d’aggraver la méfiance envers les institutions.
L’arrêt de la Cour suprême invalidant le décret de Conté autorisant les contrats de vente de fonciers à Cellou et Sidya peut être invoqué demain pour invalider le décret de Mamadi octroyant des biens immobiliers à la famille de Sékou Touré. Une telle décision ne se limite donc pas aux figures de l’opposition actuelles, elle crée un précédent qui pourrait être utilisé pour remettre en cause d’autres actes pris par le pouvoir en place, ouvrant ainsi la porte à l’instabilité et à l’arbitraire.
Au-delà de l’aspect juridique, cette affaire porte une dimension politique évidente. Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, deux figures majeures de l’opposition, déjà contraintes à l’exil, se voient maintenant dépouillés de leurs biens. Ce n’est pas une simple application du droit, mais une volonté manifeste d’écraser des adversaires politiques. Pendant ce temps, ceux qui détiennent le pouvoir, notamment Mamadi Doumbouya et le CNRD, semblent jouir d’une totale impunité et pourraient même tirer profit de ces décisions en récupérant ces biens au bénéfice du régime.

Ce qui rend cette affaire encore plus choquante, c’est que l’État refuse de rembourser les sommes investies dans l’achat, l’entretien et la rénovation de ces biens. Autrement dit, ceux qui ont acquis ces propriétés de bonne foi se retrouvent non seulement dépossédés, mais aussi financièrement lésés. C’est une injustice criante qui ne peut qu’alimenter la colère et le sentiment d’abandon chez ceux qui espéraient un minimum d’équité dans la gouvernance du pays.
Plutôt que de renforcer la stabilité, cette décision risque d’exacerber les tensions. Lorsqu’un peuple a le sentiment d’être constamment floué, la frustration accumulée finit par se transformer en révolte. Le pouvoir actuel joue un jeu dangereux en attisant cette colère, car l’histoire a montré que nul ne peut gouverner indéfiniment par l’injustice et la répression.
Comme le dit un proverbe africain : « Quand tu creuses un trou pour ton ennemi, creuse-le peu profond, car tu pourrais y tomber toi-même. »
Abdoul Karim Diallo
« Un droit qui dépend du pouvoir en place n’est plus un droit, mais un privilège temporaire. »