Contre La sansure

Références aux instruments juridiques et autres standards établis en matière de droits humains : Que va faire le ministre Charles Wright ?

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Dans la correspondance que les rapporteurs du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies ont adressée au Colonel Doumbouya, ils ont rappelé que selon un rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, “[l] la suspension d’une association et sa dissolution forcée sont parmi les atteintes les plus graves à la liberté d’association (…). De telles mesures doivent être strictement proportionnelles à l’objectif légitime poursuivi et utilisées uniquement lorsque des mesures moins radicales se sont révélées insuffisantes » (A/HRC/20/27, para. 75)..

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Excellence,

En relation avec les faits allégués (*) , nous souhaiterions attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur les articles 2, 9, 14, 19, 21, 22 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Guinée le 24 janvier 1978, qui garantissent le droit à la liberté et à la sécurité, le droit de réunion pacifique, et le droit de s’associer librement.
L’article 9 garantit le droit de toute personne à la liberté et à la sécurité, y compris l’interdiction de l’arrestation et la détention arbitraire, le droit de toute personne arrêtée d’être informée, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation, et le droit de toute personne arrêtée d’être traduite dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Nous rappelons que le Comité des droits de l’homme, dans leur Observation générale No. 35, ainsi que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, dans sa jurisprudence, ont précisé que toute arrestation ou détention d’un individu en raison de l’exercice légitime de ses droits et libertés garantis par le PIDCP peut être considérée comme arbitraire. Selon la jurisprudence du Groupe de travail sur la détention arbitraire, les défenseurs des droits humains constituent un groupe protégé dont les membres ont le droit à une protection égale de la loi en vertu de l’article 26 du Pacte.1

En outre, le Groupe de travail a conclu que la détention de défenseurs des droits humains en raison de leur qualité de défenseurs des droits humains est discriminatoire et, par conséquent, arbitraire.
Nous souhaiterions aussi rappeler au Gouvernement de votre Excellence que l’article 9 (2) du Pacte protège le droit de toute personne arrêtée d’être informée, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation, et de recevoir notification de toute accusation à son encontre dans le plus court délai.
De plus, l’article 9 (3) du Pacte précise que la détention provisoire doit être exceptionnelle, tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale devant être traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devant être jugé dans un délai raisonnable ou libéré.
Par ailleurs, l’article 9(4) du Pacte garanti à quiconque qui se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a précisé que le contrôle judiciaire de la détention est une garantie fondamentale du droit à la liberté de la personne qui permet de s’assurer de la légalité de la privation de liberté́.
1 Nous rappelons également au Gouvernement de votre Excellence que l’article 14 du Pacte garanti à toute personne accusée d’une infraction d’être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle. Le même article garanti aussi le droit à un avocat, lequel constitue l’une des principales garanties de prévention de la privation arbitraire de liberté́ et s’applique dès le début de la privation de liberté́ et quel que soit le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit.

L’article 21 prévoit que l’exercice du droit de réunion pacifique ne peut faire l’objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui, et l’article 22 précise que « Toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts. » L’exercice de ce droit ne peut être limité que dans les strictes conditions de nécessité et de proportionnalité, doit être prévu par la loi et dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d’autrui. Le Comité des droits de l’homme a indiqué que « [l]es restrictions ne doivent donc pas être utilisées, expressément ou implicitement, pour museler l’expression de l’opposition politique au pouvoir en place (CCPR/C/MDG/CO/4, para. 51), la contestation de l’autorité, y compris les appels à un changement de gouvernement, de constitution ou de système politique, ou la recherche de l’autodétermination » (CCPR/C/GC/37, para. 49). En l’occurrence, la période électorale ne peut fournir un motif légitime pour restreindre la liberté de réunion pacifique et d’association, qui selon la résolution 15/21 du Conseil des droits de l’homme “s’inscrit dans le processus démocratique à la fois en période électorale et entre les élections”.

Nous aimerions également rappeler que selon un rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, “[l] la suspension d’une association et sa dissolution forcée sont parmi les atteintes les plus graves à la liberté d’association (…). De telles mesures doivent être strictement proportionnelles à l’objectif légitime poursuivi et utilisées uniquement lorsque des mesures moins radicales se sont révélées insuffisantes » (A/HRC/20/27, para. 75).

Des manifestants contre le 3ème mandat.

 

Le Comité des droits de l’homme a souligné, dans leur Observation générale No. 37, qu’il n’existe pas toujours une distinction claire entre des réunions pacifiques et des réunions violentes, mais il existe une présomption en faveur du caractère pacifique d’une réunion. Par ailleurs, des actes de violence isolés de quelques participants ne devraient pas être attribués à d’autres participants. La violence déployée par les autorités ou commise par des agents provocateurs agissant pour leur compte contre les participants à une réunion pacifique ne rend pas la réunion non pacifique.
En particulier, nous souhaiterions rappeler au Gouvernement de votre Excellence que toute restriction à l’exercice du droit à la liberté d’expression conformément à l’article 19(3) du PIDCP doivent être prévues par la loi et nécessaires et proportionnées. Nous souhaiterions également rappeler les dispositions de la résolution 12/16 du Conseil des droits de l’homme selon lesquelles les États, tout en notant que le paragraphe 3 de l’article 19 du PIDCP, ne peuvent pas imposer de restrictions incompatibles avec le paragraphe 3 de cet article, notamment à la discussion des politiques gouvernementales et au débat politique.
De même, le Comité des droits de l’homme a précisé que l’article 19 du PIDCP « couvre l’expression et la réception de communications sur toute forme d’idée et d’opinion susceptible d’être transmise à autrui, sous réserve des dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 et de l’article 20. Il porte sur le discours politique, le commentaire de ses affaires personnelles et des affaires publiques, la propagande électorale, le débat sur les droits de l’homme » (Observation Générale no. 34, para. 11).
Nous souhaiterions également attirer l’attention de votre Gouvernement sur les principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits humains et les libertés fondamentales universellement reconnus (A/RES/53/144), également connu sous le nom de « Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme », et en particulier les articles 1 et 2, qui stipulent que chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales aux niveaux national et international, et que chaque État a, au premier chef, la responsabilité et le devoir de protéger, promouvoir et rendre effectifs tous les droits humains et toutes les libertés fondamentales.
Nous souhaiterions aussi souligner l’article 5 (a) et (b) de la Déclaration, qui affirme qu’afin de promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international, de se réunir et de se rassembler pacifiquement et de former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer.
L’article 9 de la Déclaration stipule que, dans l’exercice des droits humains et des libertés fondamentales, y compris le droit de promouvoir et protéger les droits humains, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de disposer d’un recours effectif et de bénéficier d’une protection en cas de violation de ces droits.
Nous voudrions enfin attirer l’attention du Gouvernement de votre Excellence sur la résolution 34/7 du Conseil des droits de l’homme qui note « avec une profonde inquiétude que, dans de nombreux pays, il est fréquent que des personnes ou des organisations engagées dans la promotion et la défense des droits humains et des libertés fondamentales fassent l’objet de menaces et de harcèlement, se trouvent en situation d’insécurité ou soient victimes d’immixtions arbitraires ou illégales dans leur vie privée en raison de leurs activités ».

 

Mary Lawlor
Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme
Mumba Malila
Vice-président du Groupe de travail sur la détention arbitraire
Irene Khan 
Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et
d’expression
Clement Nyaletsossi Voule
Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association

(*) https://guinafnews.org/le-bureau-des-nations-unies-a-geneve-sest-adresse-au-colonel-doumbouya-a-propos-du-fndc-et-de-ses-leaders-detenus/

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