Retrait massif de titres miniers en Guinée : entretien à bâtons rompus avec maitre Hamidou, spécialiste du droit minier .

L’État Guinéen n’a plus l’intention de câliner les sociétés minières pour qu’elles respectent leurs obligations continues dans le code minier.
A cet effet , plusieurs permis sont retirés et des conventions annulées. Si dans l’opinion, certains y voient comme un signe positif évident d’amélioration de la gouvernance minière, d’autres , par contre, y compris les sociétés dont les permis ont été retirés, rouspètent . Ces derniers n’hésitent pas à crier à un abus d’autorité.
Pour mieux comprendre cette campagne de nettoyage du secteur des mines menée par les plus hautes autorités du pays , notre rédaction a interrogé l’un des plus grands spécialistes reconnu dans le domaine. Il s’agit de maître Hamidou Dramé, avocat au barreau de Guinée et associé au sein du cabinet d’affaires Guilex Avocats.
Nous avons sélectionné pour vous certaines de ses réponses.
L’intégralité de l’interview à bâtons rompus, assez instructive, avoue-t-on, est à lire dans le nouveau numéro du magazine.
1- Bonjour Maitre Hamidou Dramé. Que vous inspire le retrait massif des permis miniers des sociétés minières ?
Hamadou Dramé : Ce retrait massif de titres miniers s’inscrit dans un contexte de revue du cadastre minier guinéen. Depuis 2022, le Ministère des Mines a entamé un travail d’examen du respect des sociétés minières de leurs obligations prévues dans le Code minier et les conventions minières. Les décrets et les arrêtés de retrait des titres miniers sont le résultat de ce travail important réalisé par le Ministère des Mines. Avec ce retrait massif des titres miniers, les sociétés minières seront obligées de revoir et renforcer leurs protocoles en matière de conformité et de veille réglementaire.
2- Pouvez vous nous rappeler les bases légales ou la procédure de Retrait des permis miniers ?
HD : les décrets et arrêtés de retrait des titres miniers (concessions minières, permis d’exploitation et permis de recherche) citent les articles 3, 34, 77, 82, 88, 89 et suivants du Code Minier et l’article 71 du décret de 2014 portant gestion des autorisations et titres miniers. Ces dispositions du Code minier et du décret sur la gestion des autorisations et titres miniers indiquent certaines obligations des sociétés titulaires de titres miniers, les motifs et la procédure de retrait des titres miniers. Ensuite, parmi ces dispositions, il y a l’article 3 du Code minier qui pose un principe fondamental en droit minier à savoir : les substances minérales dans le sous-sol ou existant en surface en Guinée sont la propriété de l’Etat. L’Etat Guinéen réaffirme donc sa souveraineté sur les ressources minières et leur gestion.
3- Ces décisions de retraits qui sont prises en ce moment par les autorités respectent-elles la loi en vigueur , je veux parler du code minier ?
HD : Il est difficile de donner une réponse globale à cette question puisque chaque société a une situation spécifique et les motifs de retraits sont basés sur les manquements observés au niveau de chaque société. Toutefois, il convient de signaler que les dispositions de l’article 88 du Code minier indiquent que le retrait des titres miniers ne peut intervenir qu’après une mise en demeure adressée par le Ministre au titulaire du Titre minier invitant celui-ci à apporter, dans les délais ci-dessous, la preuve du respect de ses obligations avant la date de la mise en demeure : un mois pour le Permis de recherche et les Autorisations, et quarante-cinq (45) jours pour le Permis d’exploitation et la Concession minière.
4- Les sociétés dont les permis sont retirés peuvent contester la décision ainsi prise ? ont-t-elle une chance de gagner contre l’Etat ?
HD : Oui, les sociétés qui estiment que le Ministère des Mines n’a pas pris en compte tous les éléments liés à leurs situations, peuvent saisir le Ministère des mines via un recours gracieux ou saisir la Cour Suprême pour contester le décret ou l’arrêté. Vu les investissements en jeu, l’ouverture de négociations pourrait être privilégié avant tout contentieux.
5- Quelles sont vos recommandations pour un rapprochement entre les investisseurs miniers et l’Etat à la suite de ce retrait massif des titres miniers ?
HD : Il est important de garder à l’esprit, les objectifs de la politique minière et du Code minier qui sont entre autres une exploitation durable des ressources minières, une répartition équitable des ressources et revenus miniers entre l’Etat, les investisseurs et les communautés locales, la promotion du contenu local et plus généralement la participation aux efforts de développement socio-économique du pays. En prenant en compte ces objectifs, une commission d’examen des recours gracieux des sociétés minières pourrait donc être mise en place avec pour mandat de négocier et proposer des protocoles d’accord transactionnels. Des montants transactionnels pourraient être négociés au vu de la gravité des manquements observés et les engagements qui seront pris en matière de contenu local et de transformation locale des minerais. Ensuite, les travaux liés à la délimitation des zones de réserves stratégiques prévues à l’article 4 du Code minier doivent également continuer pour recentrer ces limites et inclure les perspectives internationales dans la planification de l’utilisation des ressources minérales guinéennes.