Sékou Touré, le 27 mars 1977 : « À bas la police économique… »
Sous le régime Sékou Touré, le changement a réellement commencé le 27 août 1977. Ce jour là, des commerçantes du Marché M’Balia (plus connu aujourd’hui sous l’appelation Madina Marché), exaspérées par le comportement de policiers économiques, ont marché vers Kaloum, siège de la présidence. Informé de la situation, le dictateur ordonna de les laisser entrer dans le carré de son palais.
Sur le balcon de son palais, héritage de la colonisation et où résidait le gouverneur français pour la Guinée, entouré de certains de ses principaux collaborateurs, le dictateur impitoyable eut les mots à dire et au bon moment. Quand il lança son slogan « pour la révolution… « , les femmes répondirent « à bas la police économique... ». Il n’a pas tardé à dire : « à bas la police économique…« . A au moins trois (3) reprises. Puis, dans un discours improvisé, comme il savait le faire, il leur donna rendez-vous au Palais du peuple pour conférer avec elles. C’est ainsi que Sékou Touré parvint à gagner cette bataille d’une guerre.
Et au rendez-vous du Palais du peuple, les manifestantes qui croyaient en la sincérité du président guinéen, réalisèrent à leurs dépens qu’elles seront dupées. La mésentente entre les parties fera fuir Sékou Touré, qui ordonnera, dans sa fuite vers son palais, l’arrestation des meneuses. Combien étaient-elles ces dames à avoir été envoyées aux camps Boiro et Alpha Yaya pour être torturées ? Nul ne le sait avec exactitude.
Sanctions
La Guinée survivait difficilement. L’aide des pays de l’Est (Russie et ses satellites du pacte de Varsovie) n’était pas adaptée et celles des occidentaux, notamment les Etats-Unis, l’Allemagne et la France n’arrivaient pas. Manger de la viande, s’habiller, etc. était difficile. On se rappelle des termes « en attendant le bateau« , allusion à une aide internationale annoncée par le pouvoir. « En ce temps, les menuisiers avaient été des cordonniers pour fabriquer des chaussures… c’était dur. L’exil était à jour et les moins chanceux des candidats pouvaient être assassinés par le militaires, leurs familles emmerdées. Et voir aujourd’hui notre aéroport s’appeler Ahmed Sékou Touré par la seule volonté d’un pouvoir issu d’un putsch, donc d’aucune légitimité, est une insulte« , se rappelle un sexagénaire.
Pour lui, « Doumbouya n’était pas né et ses autres collaborateurs étaient des enfants. Sauf Idi Amin. La Guinée n’était pas vivable à cause des choix sociopolitiques de ses dirigeants guidés par le clanisme et l’ethnocentrisme. Le CNRD est en train de replonger le pays dans cette situation. Le domaine des Cases de la Belle-vue n’appartient pas totalement à Sékou Touré et l’État y a investit plusieurs centaines de milliers de dollars pour ne pas dire quelques millions. Tout était pour Sékou Touré et son clan… la banque centrale, les femmes, les filles, bref il faut que les anciens parlent. Cette médiation de la CEDEAO doit être supportée par le peuple« .
Le 25 août dernier, de nombreux médias guinéens ont rappelé le discours de Sékou Touré du 25 août 1958. Leurs auteurs savaient-ils que la célèbre phrase : « Il n’y a pas de dignité sans liberté, nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage… » est de Kwamé Nkrumah, premier président du Ghana, né le 21 septembre 1909 à Nkroful alors Côte-de-l’Or et actuel Ghana et mort le 27 avril 1972 à Bucarest, Roumanie ? Savaient-ils que c’est feu Boubacar Telli Diallo, premier Secrétaire général de l’OUA (devenue UA), oncle maternel de l’ancien Premier ministre de la transition du CNRD, Mohamed Béavogui, qui en avait fait la traduction ? Pourtant, Sékou Touré n’a pas cité l’auteur (Kwamé Nkrumah) de la phrase qui l’a rendu célèbre.
Brehim Ould MAHMOUD (collaboration Abdoul G. BAH)