Contre La sansure

Sénégal: jouer avec les institutions, la paix et la stabilité est une très mauvaise idée

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C’est la crise politique au Sénégal depuis l’abrogation le 3 février du décret présidentiel qui convoquait les électeurs le 25 février prochain, suivie du vote par l’Assemblée nationale dans des conditions tumultueuses d’une loi constitutionnelle qui fixe la date de l’élection au 15 décembre 2024.

En s’appuyant sur une initiative du Parti démocratique sénégalais de Karim Wade, non retenu dans la liste finale des candidats pour cause de tardive renonciation à la nationalité française, le président Macky Sall a mis en avant un conflit entre l’Assemblée et le Conseil constitutionnel pour justifier cette décision inattendue.

Le samedi 3 février, ce sont des millions de personnes qui ont attendu impatiemment le discours du président Macky Sall. À quelques heures du début de la campagne électorale, c’est la rumeur d’un possible report de l’élection qui suscitait une petite angoisse au sein de la population. Petite, parce que la grande majorité des citoyens, des acteurs politiques et sociaux, des observateurs, des diplomates ne pensaient pas que le président pourrait reporter l’élection présidentielle sans raison évidente, une décision forcément impopulaire et dangereuse.

Et pourtant il l’a fait. Alors que 20 candidats avaient été confirmés par le Conseil constitutionnel après avoir passé toutes les étapes dont celle, laborieuse et coûteuse, des parrainages. Alors que les affiches des candidats étaient prêtes et que ces derniers devaient commencer à enregistrer leurs messages de campagne à la radio et télévision nationales. Alors que les missions d’observation électorale de l’Union européenne et de la Cédéao avaient commencé à déployer leurs équipes. Alors que les électeurs sénégalais étaient prêts à aller au vote le 25 février, ayant le choix entre 20 candidats, contre 5 en 2019, soit une offre politique diversifiée, malgré le rejet de la candidature de Karim Wade par le Conseil constitutionnel qui en a détaillé les raisons. En quelques minutes, le président a bouleversé les agendas de toute une année, l’agenda politique bien sûr mais aussi les programmes, les projets, les évaluations des risques politiques et sécuritaires et les décisions d’une multitude d’acteurs économiques sénégalais et étrangers.

Les motivations réelles de ce report, qui n’aurait pas pu se faire sans l’assentiment du président Macky Sall, restent en partie mystérieuses.

On ne voit pas très bien quel est l’intérêt personnel d’un président sur le départ à prendre une décision qui ne peut que plonger son pays dans une crise. Rester neuf, dix ou onze mois de plus au palais, après douze ans de pouvoir ? La seule motivation qu’on peut imaginer est celle de vouloir décider du moment et des conditions de l’élection qui assureraient le résultat qu’il souhaite. En d’autres termes, choisir son successeur ou au minimum, éviter de transmettre le pouvoir à son pire adversaire politique. Mais quelles sont les chances que le contexte soit plus favorable à un tel dénouement en décembre prochain plutôt qu’en février après avoir pris une décision incroyablement impopulaire ? C’est en cela que la décision du président semble défier la rationalité.

C’est le temps des incertitudes et cela est dangereux.

Oui, le report de l’élection dans ces conditions rocambolesques a transformé 2024 en une année d’incertitudes radicales. La légitimité du président sera-t-elle reconnue après la fin de son mandat, le 2 avril 2024 ? Quel avenir pour le Conseil constitutionnel dont deux des membres sont accusés sans preuve de corruption, une manière de mettre en cause l’intégrité de la plus haute juridiction constitutionnelle qui joue un rôle crucial dans le processus électoral ? Faudra-t-il repartir à zéro et rouvrir la liste des candidatures ?

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