Contre La sansure

Cellou Dalein Diallo, Président de l’UFDG : Le dangereux terroriste guinéen de la sous-région ?

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Si j’avais choisi de titrer cette tribune par : « Faut-il retirer le prix Nelson Mandela des Nations Unies à MorissandaKouyaté ? », j’aurais sans doute atténué la gravité des propos récemment tenus par le ministre, comme certaines dénonciations qui circulent à ce sujet semblent l’atténuer. Or, ce serait passer à côté de l’essentiel.

Car la surprise, voire l’indignation que le titre choisit pourrait susciter chez certains Guinéens n’est en réalité que le miroir d’une hypocrisie politique profondément enracinée dans notre pays.

Comment qualifier autrement la déclaration récente du ministre guinéen des Affaires étrangères, qui, pour justifier l’exclusion de Cellou Dalein Diallo, figure majeure de l’opposition, et d’autres personnalités politiques du processus de recensement électoral, évoque sans sourciller la menace terroriste dans la sous-région ?

Quel aplomb ! Ou devrions-nous dire, quelle manœuvre politique habilement déguisée en mesure sécuritaire ?

Voici les propos du ministre :

« Vous avez dit qu’un de nos citoyens s’est plaint chez vous parce qu’il n’a pas été recensé, mais le recensement est délicat. Vous savez la situation d’instabilité qu’il y a dans notre sous-région. Nous ne pouvons pas faire un recensement à ciel ouvert, sans conditions, au risque de recenser des terroristes ou des malfaiteurs dans notre fichier. »

Faut-il comprendre ici que l’ancien Premier ministre, plusieurs fois candidat à la présidentielle, reconnu sur la scène internationale, serait désormais assimilé à un potentiel terroriste ? Ou que son exclusion, ainsi que celle d’autres opposants, relèverait d’une mesure de sécurité nationale ?

Sécurité ou exclusion ? Quand le discours sécuritaire du ministre Morissanda Kouyaté masque une stigmatisation à la fois politique et communautaire.

La déclaration susdite du ministre Morissanda Kouyaté, à première vue anodine, soulève pourtant de graves questions, surtout dans un pays où les relents communautaires restent une réalité sensible, et dans une sous-région où LA MENACE TERRORISTE SE SUPERPOSE SOUVENT AUX TENSIONS IDENTITAIRES OU COMMUNAUTAIRES.

De nombreux analystes se demandent si les propos du ministre Morissanda sont partagés par le président de la Transition, Mamadi Doumbouya et ses conseillers.

 

En liant implicitement le processus de recensement à la crainte d’infiltration par des « terroristes ou des malfaiteurs », le ministre ne fait pas que justifier une mesure administrative : il alimente un discours dangereux, où l’exclusion politique comme nous le constatons dans d’autres pays de la sous-région est maquillée en impératif sécuritaire, et où la stigmatisation de certains citoyens devient un outil de gouvernance sécuritaire.

En réalité, ce discours ne trompe personne. Il ne s’agit pas ici de sécurité, mais bien de politique. Une politique de l’exclusion, de la peur, et de la stigmatisation — non seulement d’un opposant politique, mais aussi de ses militants, en grande majorité issus de sa communauté. Dans un pays où les fractures identitaires sont encore vives, et où les appartenances communautaires influencent fortement les dynamiques politiques, une telle déclaration ne peut être perçue comme neutre.

Tous les observateurs avertis, y compris ceux qui suivent de près la scène politique guinéenne, savent que cette réalitépolitico-communautaire est bien documentée. Et cela, le ministre des Affaires étrangères ne peut l’ignorer ; lui qui ne manque jamais de rappeler en bas de ses communiqués officiels qu’il est « lauréat du prix Nelson Mandela des Nations Unies ». Une telle reconnaissance internationale devrait pourtant l’engager à plus de responsabilité dans ses propos, à plus de rigueur dans ses analyses, et surtout à plus de respect pour les principes démocratiques qu’incarne ce prix.

En assimilant implicitement un leader politique de premier plan à une menace sécuritaire, le ministre franchit une ligne rouge : celle qui sépare la critique politique légitime de la criminalisation de l’opposition. Et ce glissement, dans un contexte aussi sensible que celui de la Guinée, est non seulement dangereux, mais profondément irresponsable.

Cette criminalisation des leaders politiques est accompagnéed’un discours de justification qui repose, sur des contre-vérités, autrement dit, sur des fake news.

Morissanda Kouyaté, lauréat du prix Nelson Mandela… mais quel prix pour la vérité ?

« …il faut avoir la carte consulaire de cette circonscription diplomatique. Toute personne qui n’a pas pu avoir cette carte ne peut pas se faire recenser… »

Cette affirmation du ministre guinéen des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, semble contredire les directives officielles émises par le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, en charge des élections.

« Les citoyens devront se présenter dans les centres de recensement munis de l’un des documents suivants :

• Extrait de naissance
• Jugement supplétif + transcription
• Certificat de nationalité »
Ces mêmes conditions ont été étendues aux Guinéens vivant à l’étranger. Ce n’est que plus tard que la carte consulaire a été évoquée, non pas comme une condition obligatoire, mais comme une facilitation du processus, en réponse aux difficultés rencontrées par de nombreux citoyens ne disposant pas des documents requis.

Dans une note circulaire datée du 19 juin 2025, soit plusieurs jours après le lancement du recensement à l’étranger, le ministre écrivait aux représentations diplomatiques :

« …je vous demande de prendre toutes les dispositions pour PERMETTRE aux Guinéens de l’étranger âgés de 10 ans et plus qui n’ont pas tous les documents requis de se faire recenser sur présentation de cartes consulaires dûment authentifiées »

Il est donc clair que la carte consulaire n’a jamais été présentée comme la seule condition pour se faire recenser. Elle est venue en complément, pour pallier les limites des documents exigés. Pourtant, le ministre Kouyaté brandit aujourd’hui cette exigence comme justification de l’exclusion du président Cellou Dalein Diallo du processus électoral.

La mobilité du citoyen : un droit, pas un obstacle au recensement.

Il est important de rappeler qu’aucun processus de recensement ne devrait imposer à un citoyen d’être fixé à un lieu bien déterminé pour exercer son droit fondamental à la participation à la vie de la nation. Dans un monde où la mobilité est une réalité sociale, économique, professionnelle et politique et oui politique, exiger une résidence fixe comme condition préalable au recensement revient à exclure de facto une partie significative de la population.

Operation de recensement des guineens à Abidjan (Côte d’Ivoire). Image de guineematin.com.

 

Les citoyens peuvent être en déplacement temporaire, en mission, en transit, ou vivre dans des situations administratives complexes, notamment à l’étranger. Cela ne les rend ni moins guinéens, ni moins légitimes à participer à la vie politique de leur pays. Le droit de vote, et donc le droit d’être recensé, ne saurait être conditionné à une sédentarité stricte, surtout dans un contexte où l’État lui-même peine parfois à garantir des documents d’identité accessibles à tous.

Pour un sursaut de responsabilité et de vérité

À l’heure où la Guinée cherche à reconstruire ses institutions et à restaurer la confiance entre les citoyens et l’État, il est impératif que ceux qui incarnent la parole publique fassent preuve de rigueur, de vérité et de responsabilité. Les propos du ministre Morissanda Kouyaté, loin d’apaiser les tensions, jettent le trouble sur un processus démocratique déjà fragilisé, et alimentent des divisions que le pays ne peut plus se permettre.

En tant que lauréat du prix Nelson Mandela des Nations Unies, le ministre se doit d’être à la hauteur des valeurs que ce prix incarne : vérité, justice, réconciliation et respect des droits humains. Ce n’est pas seulement une distinction honorifique, c’est un engagement moral et politique.

L’État guinéen, pour sa part, doit veiller à ce que le processus électoral soit inclusif, transparent et équitable, sans manipulation ni exclusion déguisée. La démocratie ne peut s’épanouir dans un climat de suspicion, de stigmatisation et de désinformation.

Il est temps de rompre avec les pratiques de disqualification politique par le mensonge ou la peur. Il est temps que les responsables publics, à commencer par le ministre des Affaires étrangères, fassent preuve de dévouement sincère à la vérité, à l’unité nationale et à la démocratie. Car c’est à ce prix — et à ce prix seulement — que la Guinée pourra espérer un avenir apaisé et véritablement démocratique.

​​​​​​​​Taliby Diané

​​​Adjoint à la communication UFDG France.

Source: https://www.guineefutur.info/2025/07/05/cellou-dalein-diallo-president-de-lufdg-le-dangereux-terroriste-guineen-de-la-sous-region/

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