Guinée: Analyse tendancielle des recettes et des dépenses publiques inscrites en loi de finances 2023
La loi L/2022/0016/CNT du 28 décembre 2022, portant loi de finances pour l’année 2023 a été promulguée par décret D/2022/0603/PRG/CNRD/SGG depuis le 29 décembre 2022, date de son entrée en vigueur.
Cette loi de finances intervient dans le contexte d’un vaste programme de refondation de l’Etat entrepris par les nouvelles autorités du pays depuis le 05 septembre 2021, date de début de la présente Transition.
Le budget inscrit dans cette loi de finances initiale se chiffre à 27 910 953 581 683 GNF en recettes et à 36 106 741 217 503 GNF en dépenses, soit une prévision de déficit budgétaire de 8 195 787 635 820 GNF au titre de cette année 2023.
A)-Evolution des recettes.
Les recettes totales 2023, d’un montant de 27 910 953 581 683 GNF, sont en accroissement de 6,15% par rapport aux réalisations de 2022. Une projection ambitieuse comparée à celle de la période antérieure qui est de 1,09%. Ce montant total de recettes prévisionnelles est essentiellement composé de recettes fiscales (impôts, taxes, droits et redevances), première source de recettes du budget général, constituant 85% des recettes totales. Quant aux recettes du budget d’affectation spéciale, elles se chiffrent à 1 285 913 390 835 GNF, tirées essentiellement par le fonds national de développement local (44%).
B)- Evolution des dépenses :
Les dépenses totales 2023, d’un montant de 36 106 741 217 503 GNF, sont en progression de 17,74% par rapport aux réalisations de 2022. Une progression nettement plus importante que celle de la période antérieure ( 3,75%) et plus importante que celle des recettes (6,15%). Cette forte augmentation est soutenue par les dépenses d’investissement qui ont connu un bond de 34,75% sur la période, contre 13,66% pour la période antérieure. Les départements concernés par ces importantes hausses sont la primature ( +2408,96%), le ministère de l’énergie, de l’hydraulique et des hydrocarbures (+856%), le ministère de l’agriculture et de l’élevage (821,30%), la présidence de la république (+522,22%), le ministère de l’enseignement technique, de la formation professionnelle et de l’emploi(+468,38%), l’administration et contrôle des grands projets (+360,82%), le ministère des infrastructures et des travaux publics (+152,94%). Comme pour dire que l’énergie, l’eau, l’agriculture, l’enseignement technique et les infrastructures constituent l’épine dorsale des priorités gouvernementales en cette année 2023.
Si ces mesures méritent d’être saluées, leur source de financement suscite cependant des inquiétudes. En effet, les dépenses d’investissement, d’un montant total de 14 005 646 250 027 GNF sont constituées essentiellement des investissements liés aux projets (12 360 335 180 431 GNF), dont 6 949 700 040 000 GNF sont budgétisées en FINEX (financement extérieur), contre seulement 5 410 635 140 431 GNF de financement sur ressources intérieures. A cela est attaché le risque de non réalisation des ressources sur FINEX, dans le contexte actuel de Transition qui, comme toute autre Transition, est marqué par la frilosité des bailleurs internationaux.
Il faut par ailleurs signaler que le faible accroissement des dépenses de personnel (+3,29%) s’explique par les départs massifs à la retraite ces deux dernières années, qui occasionnent un important vivier de postes à pourvoir en remplacement.
C)- La question du déficit budgétaire
Comme susmentionné, le déficit budgétaire prévisionnel s’est davantage creusé en 2023 pour s’établir à 8 195 787 635 820 GNF contre 4 373 900 681 680 GNF en loi de finance rectificative 2022, soit une aggravation de 87,38%. Cela vient alourdir le taux d’endettement public de la Guinée déjà estimé à 42,37% du PIB au premier trimestre 2022. A signaler toutefois que ce niveau d’endettement reste encore soutenable pour le pays, car de loin en deçà du seuil de 70% fixé pour les pays membres de la CEDEAO. Mieux, le recours à la dette est en grande partie orienté vers l’investissement dans les secteurs à haute intensité capitalistique et à haut potentiel de croissance, comme l’énergie, les infrastructures routières et l’agriculture.
Selon la théorie keynésienne, il est permis de recourir au déficit budgétaire pour relancer l’activité économique à travers l’accroissement de la « demande effective » adressée aux entrepreneurs qui peuvent alors relancer le tissu productif, effectuer de nouvelles embauches (donc réduire le chômage), emprunter aux banques (donc faire appel à l’épargne intérieure) et pourvoir à leur tour à des débouchés pour les fournisseurs de matières premières et de fournitures…cela s’appelle le mécanisme de transmission de la politique économique, dont l’efficacité dépend étroitement de la manière dont la politique de pensée, conduite et mise en œuvre…
Sources :LFI 2023, LFI 2022, LFR 2022 ; bulletin statistique de la dette publique- premier trimestre 2022
Tanou Balla SAKOUVOGUI
Inspecteur de finances / IGF Guinée
Mail : balasakouvogui@gmail.com