«Les pays d’Afrique subsaharienne doivent renforcer leur capacité à lever les ressources domestiques», selon le FMI (*)
Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment publié un rapport sur la pénurie des financements en Afrique subsaharienne. Selon ce rapport, la croissance du PIB de la région sera positive et de l’ordre de 3,6% en 2023. Elle sera même en augmentation en 2024 et s’établira à 4,2%.
Pour maintenir ces performances, l’Afrique doit compter sur elle-même, conseille le FMI. C’est notamment le cas pour l’Afrique centrale, une région riche en matières premières. Gomez Agou, représentant du FMI au Gabon qui a présenté ce rapport à Libreville, a répercuté cette recommandation aux pays d’Afrique centrale.
RFI : Monsieur Gomez Agou, vous venez de présenter le rapport sur la pénurie de financements en Afrique subsaharienne, quelle est la situation selon ce rapport ?
Gomez Agou : Selon notre rapport, nous avons trois principales conclusions : la première, c’est que les financements sont aujourd’hui rares et plus coûteux. La seconde, c’est qu’il est urgent pour l’ensemble des pays africains de pouvoir renforcer les capacités à lever l’impôt afin de pouvoir mobiliser suffisamment de ressources domestiques pour faire face à leurs besoins de développement. Et enfin, nous lançons encore une fois l’appel à la solidarité internationale dans cette situation.
Qu’est-ce qui justifie cette pénurie ?
Alors cette pénurie est due à trois raisons principales. La première, c’est la montée des taux d’intérêt dans les grandes économies, notamment l’économie américaine, qui a renchéri le coût des prêts sur le marché international. La deuxième raison, c’est la baisse de l’aide publique au développement venant des pays de l’Ouest. Et la troisième raison, c’est aussi la baisse des prêts venant de Chine.
Quelle est la situation en Afrique centrale ?
L’Afrique centrale n’échappe pas à cette pénurie du financement, et cela, à trois niveaux. Le premier, c’est que la crise du financement est aussi celle de l’Afrique centrale. Le deuxième niveau, c’est que cela aura un certain nombre de conséquences, comme l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne. Première conséquence à court terme, c’est l’insécurité alimentaire. Je rappelle qu’il y a 130 millions d’Africains aujourd’hui qui font face à l’insécurité alimentaire, y compris en Afrique centrale. La deuxième, c’est la situation du ralentissement de la reprise de la croissance économique. À long terme, la situation d’endettement restera délicate pour l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne, et aussi la capacité des pays à faire face à leurs besoins sera au ralenti. Et enfin, nous réitérons l’appel pour l’ensemble des pays d’Afrique centrale, et donc plus largement de l’Afrique subsaharienne, à pouvoir renforcer les capacités à lever l’impôt.
Le Fonds monétaire international, c’est quand même l’un des principaux bailleurs de fonds. Qu’est-ce que vous avez fait pour certains pays d’Afrique centrale ? Prenons le cas du Tchad, par exemple, où il y a eu une transition.
Au Tchad, le Fonds monétaire international a travaillé avec le G20 dans le cadre de ce que nous appelons le cadre commun, qui a permis le retraitement de la dette du Tchad, permettant ainsi d’accroître les capacités budgétaires du pays à faire face à ces besoins de développement.
À quelle hauteur ? Vous avez une idée ?
C’est encore en discussion, en finalisation, mais le principe a été acquis dans le cadre d’un programme avec le Fonds monétaire international.
Justement, dans le même cadre, il y a le Congo-Brazzaville et le Fonds monétaire international qui ont des relations houleuses. Que dit le rapport à ce propos ?
Je n’emploierai pas vos termes. Je pense que le Fonds monétaire a toujours été disponible à travailler avec l’ensemble des pays de la région d’Afrique centrale, cette posture n’a pas changé pour le Congo, et donc les équipes travaillent avec le pays, pour faire avancer le programme économique du pays.
Ça avance ?
Oui, ça avance.
Pour le cas du Gabon et de la Guinée Équatoriale – deux pays pétroliers qui à un certain moment ont abandonné les prêts auprès du Fonds monétaire international -, qui sont désormais en programme avec le Fonds monétaire international, quelle est la situation aujourd’hui ?
Le Gabon a un programme avec le Fonds monétaire international. Nous avons déjà fait deux revues. Et donc les discussions continuent, afin de pouvoir poursuivre la mise en œuvre de ce programme après les périodes électorales que vous savez.
Et pour le cas de la Guinée Équatoriale ?
Pour le cas de la Guinée Équatoriale, les relations sont toujours au beau fixe avec le Fonds monétaire international. Je pense que les autorités sont en discussion avec l’institution.
Un État membre de la Cémac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, NDLR], comme la Centrafrique, connaît une grosse instabilité. Pensez-vous qu’il est possible de faire fonctionner l’État sans ces financements internationaux ?
Le FMI se tient toujours aux côtés de l’ensemble des pays du monde qui sont membres de l’institution, y compris en Afrique centrale, y compris pour la Centrafrique.
Est-ce que tous ces pays de l’Afrique centrale sont toujours capables de lever des financements auprès du Fonds monétaire international ?
Les programmes du Fonds monétaire international obéissent d’abord à un besoin de financement de ces pays et ensuite à un ensemble d’engagement des autorités à faire des réformes. Et donc, c’est dans ce cadre-là qu’il y a toujours des discussions, et lorsque des points d’accord sont trouvés dans le cadre de ces discussions en matière de réforme, il y a donc des financements qui accompagnent.
Quelles perspectives économiques le rapport trace-t-il pour l’Afrique subsaharienne ?
La perspective est la suivante : il est vrai que les financements aujourd’hui se font rares, sont plus coûteux. Cette situation aura des conséquences importantes pour l’Afrique subsaharienne : insécurité alimentaire, ralentissement de la croissance économique. À long terme, situation d’endettement délicate, besoin de pouvoir faire face aux besoins de développement des pays. Et aussi, inclure la problématique du financement climatique.
À cela, notre conseil à l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne est le suivant : il faut rapidement renforcer les capacités de ces pays-là à lever les ressources domestiques, j’entends l’impôt et les droits de douane, afin de pouvoir compter prioritairement sur eux-mêmes pour financer leurs besoins de développement.
Et, nous réitérons notre appel à l’ensemble de la communauté internationale à faire preuve de solidarité dans cette phase délicate pour l’ensemble des pays.
Quand vous parlez de la communauté internationale, vous parlez de qui par exemple ?
Nous parlons de l’ensemble de la communauté internationale, notamment les pays du G20 avec qui le Fonds monétaire international, ces dernières années, a fait suffisamment de progrès. Je parlais tout à l’heure du cas du cadre commun pour le traitement de la dette publique des pays en difficulté.