Pourquoi Ali Bongo se retire-t-il de la scène politique et quelles en sont les conséquences pour le Gabon ? »

Un an après avoir été renversé par un coup d’Etat militaire, l’ex-président gabonais Ali Bongo annonce son « retrait de la vie politique et le renoncement définitif à toute ambition nationale ».
Dans une lettre ouverte adressée au peuple gabonais, Ali Bongo dit respecter et comprendre « la volonté des citoyennes et des citoyens de souhaiter, pour construire l’avenir, de nouveaux responsables politiques« .
« Je ne souhaiterai jamais constituer, pour le Gabon, un risque de menace, de trouble et de déstabilisation dans ce moment de reconstruction « , précise Ali Bongo, dans un texte transmis dans la nuit de mercredi à jeudi par son avocate gabonaise Gisèle Eyue Bekale aux médias.
Dr Stephane Germain Iloko Boussengui, ancien conseiller de Ali Bongo Ondimba, estime que cette sortie de l’ancien chef de l’Etat gabonais est « une attitude responsable, une décision qui va dans le sens de protéger sa famille« .
Mea culpa ?
Après des mois de silence, l’ex-chef de l’Etat âgé de 65 ans reconnaît les « insuffisances » de sa gestion politique. « Je suis pleinement conscient de ce qui a été accompli sous ma présidence, comme également des insuffisances dont j’assume seul la responsabilité, tant sur le plan social que s’agissant du fonctionnement de nos institutions « , écrit Ali Bongo. Un bilan « douloureux » qu’il dit assumer seul. « Seul Président et responsable de mes décisions, je comprends que malgré les réalisations effectuées sous mes mandats, trop de Gabonais souffrent encore« , regrette l’ancien président. Il souhaite cependant que la « page de cette souffrance intime et nationale » soit tournée. C’est pourquoi Ali Bongo appelle à une « réconciliation nationale » qui passera selon lui par l’apaisement, l’arrêt des violences et des tortures intentées contre sa famille.
Défenseur de sa famille

Depuis le coup d’État du 30 août 2023 qui a mis fin à 55 ans de dynastie familiale, l’ex-président vit dans sa résidence privée de Libreville, « libre de quitter le pays » selon le gouvernement.
Cependant, son épouse Sylvia et son fils Noureddin sont détenus à la maison d’arrêt de Libreville.
L’ancienne première dame âgée de 61 ans, et son fils de 32 ans ont été « inculpés pour des faits d’une extrême gravité« , selon le pouvoir. Noureddin Bongo notamment pour « corruption » et « détournements de fonds publics » et Sylvia Bongo pour « blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux« .
Le nouveau pouvoir, dirigé par le général Brice Oligui Nguema, les accuse d’avoir accaparé le pouvoir et massivement détourné des fonds publics en manipulant le chef d’État affaibli depuis 2018 par un grave accident vasculaire cérébral (AVC). Depuis leur arrestation, le gouvernement de transition n’a partagé que quelques informations sur leur état ou sur l’avancée de l’enquête.
Ali Bongo demande leur libération car selon lui, ils sont emprisonnés pour « des faits dont ils n’ont pas été reconnus coupables« . Me Gisèle Eyu, avocate de la famille Bongo précise que « Sylvia Bongo et Noureddine Bongo n’ont plus rien à faire à la maison d’arrêt de Libreville. » Pour elle, la lettre d’Ali Bongo Ondimba est claire : « Il est le seul responsable et il voudrait que sa famille le retrouve chez lui en résidence, ça n’empêchera pas le juge d’instruction de poursuivre son instruction.«
Ali Bongo estime que son épouse et son fils sont des « bouc-émissaires d’une situation qui va bien au-delà de leur personne ». « Leur emprisonnement et les sévices qu’ils subissent depuis plus d’une année vont bien-au-delà de tout ce qu’une épouse et un fils ont à supporter« , renchérit-il.
L’ancien président demeure non libre de ses déplacements. Il explique que ses « visites dépendent de l’autorisation des militaires« . « Isolé du monde extérieur sans communications, sans nouvelles de ma famille« , affirme son texte.
Les avocats français des Bongo ont déposé en mai à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour « arrestation illégale » et « séquestration aggravée par des actes de tortures et de barbarie ». Une première plainte déposée en France avait été classée sans suite en octobre 2023.
Pour le pouvoir, il s’agit de « dénonciations calomnieuses et mensongères » car les autorités militaires ont exprimé le souhait qu’Ali Bongo se rende à l’étranger pour poursuivre ses soins médicaux. Cependant, il s’y est opposé fermement, car son désir profond est d’assurer la liberté de son fils et de son épouse.
« Fin de la dynastie Bongo »

Pour de nombreux observateurs, cette sortie épistolaire de l’ancien président gabonais marque ainsi la fin de règne de la « dynastie Bongo ».
Rappelons que le 30 août 2023, une heure après l’annonce officielle de l’élection d’Ali Bongo Ondimba à son troisième mandat depuis 2009, la junte militaire baptisée « Comité pour la transition et la restauration des institutions » (CTRI) proclamait à la télévision la « fin du régime Bongo » en dénonçant un scrutin frauduleux.
L’expression « fin du régime Bongo » était déjà révélatrice. En effet, Ali Bongo avait succédé à son père, Omar Bongo qui est resté à la tête du pays pendant 41 ans. Ali Bongo, lui, en a fait 14 ans. C’est donc un chapitre de plus d’un demi-siècle de l’histoire du Gabon qui s’achève. L’opposition n’a cessé de dénoncer cette pérennité d’une « dynastie Bongo », qui s’est étendue sur plus de 55 ans. Ali Bongo le reconnait lorsqu’il affirme qu’il est « conscient qu’une évolution était nécessaire pour améliorer la vie de nos concitoyens ». « J’ai cru, longtemps, pouvoir changer un système qui s’est finalement retourné contre une famille, symbole d’une époque« .
L’adoption de la nouvelle constitution en étude marquera la première étape vers le retour à un régime civil promis par la junte militaire et la fin de la dynastie Bongo.
La nouvelle loi fondamentale prévoit l’instauration d’un régime présidentiel sans Premier ministre, un mandat présidentiel de 7 ans renouvelable une fois avec obligation pour tout candidat d’être né de parents gabonais.
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