Contre La sansure

Modification d’une loi par un décret : on ne peut évoquer seulement l’article 81 de la constitution guinéenne de 2020 (Par Dr Sadou Diallo)

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On ne peut évoquer seulement l’article 81 de la Constitution guinéenne de 2020 sans l’article 80 pour ce qui est de la modification d’une loi par un décret et vice versa.

Même si la modification d’un décret par une loi et vice versa dans le Droit constitutionnel guinéen de 2020 et dans les autres constitutions antérieures est consacrée, les articles 80 et 81 de cette constitution sont clairs et consacrent les matières relevant de la loi et celles des actes règlementaires. On ne peut pas évoquer l’article 81 sans parler de l’article 80 sinon on risque de faire une interprétation erronée de cette possibilité de modification.

Il faut reconnaitre que c’est tout à fait normal pour une constitution de le prévoir afin de mieux distinguer les matières relevant de la loi et des actes règlementaires. L’objectif c’est d’éviter que l’une (Loi) ne soit utilisée pour modifier une matière relevant du domaine réglementaire et vice versa. Les deux articles résolvent le problème et sont clairs en limitant les matières relevant du domaine de la loi et ceux qui relèvent des actes règlementaires.

L’article 81 alinéa 1 de la constitution de 2020 se lit comme suit : « les matières, autres que celles qui sont du domaine de la loi, ont un caractère règlementaire ». On veut nous faire comprendre à travers cette disposition qu’il existe des matières qui sont adoptées par décret et non par la loi. Ces matières sont celles qui ne figurent pas dans l’article 80 de la même Constitution.

Ainsi, la loi intervient dans les matières prévues dans l’article 80 et les décrets interviennent dans les matières qui ne figurent pas dans ce même article. Il faut préciser que dans les matières législatives, à part une loi ces domaines ne peuvent faire l’objet de modification par un décret et vice versa. Par exemple à l’article 80 de la Constitution de 2020, les matières relevant du domaine de la loi sont explicitées et parmi ceux-ci figurent le domaine de la création, l’organisation et le fonctionnement des collectivités locales ainsi que le régime juridique de leurs organes. Ainsi, à travers cette disposition de l’article 80 alinéa 7 on voit clairement que cette matière relève de la loi et non des actes règlementaires qui sont évoqués à l’article 81 de la même constitution de 2020.

Les matières relevant des « autres matières » évoqué à l’article 81 relèvent des actes règlementaires et sont donc adoptées par décret et non par une loi. Si une loi intervient dans ces matières et lorsqu’on veut modifier cette disposition on’ a juste besoin de prendre un décret puisque l’adoption et la modification de « ces matières » relève des actes règlementaires et non de la loi. C’est ainsi que nous lisons à l’article 81 alinéa 1 de cette constitution que : « lorsque les dispositions d’une loi sont intervenues dans ces autres matières, elles peuvent être modifiées par décret, après que la Cour constitutionnelle en ait constaté le caractère règlementaire ».

Pour la Cour constitutionnelle, c’est juste de dire dans son argumentation que cette matière dans la Constitution de 2020 relève de l’article 81 et non de l’article 80 qui cite clairement les matières relevant de la loi. En conséquence, cet acte législatif peut être remplacé par un acte règlementaire. Il faut donc retenir qu’il est tout à fait possible de prendre un décret pour modifier une loi prise par méconnaissance de la procédure à suivre dans la matière qui ne relève pas exclusivement de la compétence ou du domaine de la loi. La constitution de 2020 est claire. Elle a précisé les matières relevant du domaine de la loi.

Aussi, elle est claire lorsqu’un décret est pris pour l’encadrement juridique d’une matière relevant de la loi. Au niveau de l’article 81 alinéa 2 cette inquiétude est aussi réglée. On lit ceci « lorsque des décrets sont intervenus dans le domaine réservé à la loi, ils peuvent être modifiés par une loi, après que la Cour constitutionnelle ait relevé leur caractère législatif.

Dans le contexte actuel guinéen, un décret du Colonel Mamadi Doumbouya est intervenu dans un domaine réservé à la loi. Imaginons que nous soyons toujours sous le régime juridique de cette constitution de 2020, ce décret serait contraire à l’article 80 qui énonçait clairement que la loi fixe les règles concernant : « la création, l’organisation et le fonctionnement des collectivités locales ainsi que le régime juridique de leurs organes ».

Il serait clairement établi une violation de cet article 80 si nous étions sous le régime juridique de cette Constitution de 2020. Ainsi, le décret pris pour règlementer la disposition législative est modifiable parce qu’il ne peut intervenir dans cette matière réservée à la loi. Ce qui veut simplement dire que le décret pris pour règlementer une matière relevant du législatif est illégal. La Cour constitutionnelle peut ainsi lorsqu’elle est saisie relever son caractère législatif par ce que c’est une matière relevant du législatif donc du domaine de la loi et non des actes règlementaires.

Il est évident que la charte de la transition est muette sur les domaines réservés à la loi et aux actes règlementaires, mais cela ne voudrait pas dire qu’il était possible de prendre un décret pour règlementer une matière contenue à l’article 80 de la constitution de 2020 si le cas était transposé dans le contexte actuel de la Transition. Il y a un vide constitutionnel à ce niveau, c’est évident. Mais le CNT peut adopter une loi ou un amendement à la charte sur les questions liées aux matières relevant du domaine de la loi et des actes règlementaires dans le contexte actuel de la transition afin de régler définitivement ce problème de Droit.

Dr Sadou DIALLO
Docteur en Droit public

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