Contre La sansure

Le Conseil constitutionnel sauve le Sénégal d’un achèvement des institutions

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Le 15 février, jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a annulé la loi constitutionnelle adoptée par le Parlement et le décret présidentiel qui avaient annulé le premier tour de l’élection présidentielle prévu le 25 février et décidé de la date du 15 décembre pour organiser ce scrutin. Cette décision est-elle historique ? 

Elle ne devrait pas être considérée comme telle parce qu’en réalité, le Conseil constitutionnel n’a fait que son travail qui consiste à faire respecter la lettre et l’esprit de la Constitution sénégalaise qui ont été manifestement violés par la manœuvre politique conjointe d’une partie des députés et du président Macky Sall. Le report de l’élection jusqu’à la fin de l’année revenait à prolonger de neuf ou dix mois le mandat du président, une violation explicite d’une des dispositions intangibles de la Constitution, ce que le Conseil constitutionnel a clairement rappelé dans sa décision.

Celle-ci ne devrait pas être perçue comme exceptionnelle, mais on s’est tellement habitué, dans beaucoup de pays d’Afrique francophone, à l’écrasement de toutes les institutions par la toute-puissance du pouvoir présidentiel qu’on ne peut que la considérer comme courageuse et salutaire. Je disais ici la semaine dernière que le scénario le moins dangereux pour la stabilité du Sénégal serait l’annonce très rapide d’un retour à un calendrier électoral compatible avec le départ paisible du président en avril prochain, conformément à la lettre de la constitution. Le conseil constitutionnel a à la fois dit le droit et joué son rôle – qui est tout aussi essentiel – de conseil de sages.

Mais le Conseil constitutionnel ne fixe pas une nouvelle date pour l’élection… Cela ne constitue-t-il pas un risque ?

Je ne pense pas. Le Conseil constitutionnel ne va pas au-delà de ses compétences. Si la date du 25 février n’est clairement plus tenable, le message du conseil est clair. Il demande aux autorités compétentes d’organiser l’élection dans les meilleurs délais en tenant compte des jours de campagne électorale manqués. Dans la mesure où tout était censé être prêt pour organiser le scrutin le 25 février, le gouvernement ne devrait avoir aucune excuse pour ne pas organiser le premier tour de l’élection présidentielle au début du mois de mars, de manière à donner le maximum de chances au respect de la date du 2 avril pour le passage du témoin entre le président Macky Sall et son successeur.

C’est au président Macky Sall qu’il revient de prendre un décret de convocation des électeurs à une nouvelle date dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel qui s’impose selon la constitution aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Même s’il ne faut jamais rien exclure, ce serait calamiteux pour le pouvoir en place de tenter une nouvelle manœuvre pour repousser l’élection de plusieurs mois.

Il faut saluer la mobilisation exceptionnelle, à la fois ferme, mais responsable et pacifique de la majorité des acteurs de la société civile sénégalaise, y compris les universitaires et les autorités religieuses qui ont pris des positions extrêmement claires en faveur du respect de la Constitution.

Vous profitez de l’occasion pour rappeler un des messages récurrents de Wathi : la nécessité de renforcer dans les pays d’Afrique de l’Ouest toutes les institutions qui assurent l’équilibre des pouvoirs, dont font partie les juridictions constitutionnelles

Depuis quelques années, et en particulier dans une des publications de Wathi sur les Constitutions ouest-africaines, nous insistons sur l’impératif du renforcement des juridictions constitutionnelles. Nous avons explicitement recommandé le choix d’un mode de désignation des membres de ces juridictions qui vise à créer les conditions de leur indépendance effective, en « mettant l’accent sur un mandat non renouvelable et de longue durée et sur des conditions explicites d’intégrité personnelle et d’expérience professionnelle pertinente. »

Nous avons aussi proposé que les textes constitutionnels prévoient la possibilité pour tout citoyen de saisir la juridiction constitutionnelle en suivant par exemple l’exemple du Bénin et de sa cour constitutionnelle qui, à des moments clés de l’histoire du pays, a fixé des limites au pouvoir présidentiel.

Lire la suite… https://www.rfi.fr/fr/podcasts/ça-fait-debat-avec-wathi/20240217-le-conseil-constitutionnel-sauve-le-senegal-d-un-achevement-des-institutions

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